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la difficulté par l’ajournement, et en fin de compte, à l’heure où s’interrompent les débats parlementaires, l’expression la plus significative de la situation politique, des dispositions d’opinion, reste dans ces trois faits ou ces trois manifestations qui se sont succédé à quelques jours d’intervalle : la déclaration par laquelle M. le vice-président du conseil a inauguré rentrée au pouvoir du ministère, l’allocution que M. .le duc d’Audiffret-Pasquier a prononcée en prenant possession de la présidence de l’assemblée qu’il a reçue d’une majorité considérable, et le discours que M. Laboulaye a adressé à une réunion du centre gauche.

La déclaration de M. Buffet a eu la fortune de tous les actes de gouvernement calculés de façon à répondre à une situation compliquée. Elle est restée et elle reste encore livrée à toutes les contradictions, à toutes les interprétations, précisément par ce qu’elle a de circonspect et de mesuré. Elle est du moins décidée sur le point principal, l’affirmation de l’ordre nouveau créé par les lois constitutionnelles. Elle dit tout ce que peut dire un ministère qui, en étant le seul possible, est réduit à vivre de combinaisons et de transactions. M. le duc d’Audîffret-Pasquier, quant à lui, n’était point lié par des considérations pratiques de gouvernement. Élevé à la présidence de l’assemblée par le concours des opinions diverses qui ont contribué aux derniers événemens, placé dans la plus haute sphère de l’impartialité parlementaire, il en a profité pour relever ce régime du « gouvernement du pays par le pays, » auquel « la France a dû dans le passé des jours prospères et glorieux succédant à de cruels désastres, » qui seul a aidé depuis quatre ans « à surmonter les plus dures épreuves qu’une nation puisse subir… » M. le duc d’Audiffret-Pasquier a parlé dans son indépendance, selon sa nature, et les paroles qu’il a prononcées ont eu le mérite de réveiller de vieux cultes, de faire passer un instant un souffle d’air vivifiant dans une assemblée lasse d’ambiguïtés et de confusions. Ce n’est point le programme politique d’un chef de ministère disposant du pouvoir, c’est l’accent résolu d’un vieux parlementaire gardant sa foi, osant répéter certains mots vibrans et proposer au pays la liberté comme « la première et la plus sûre garantie de l’ordre et de la sécurité dont il a besoin. » On aurait dit que l’assemblée se sentait soulagée et relevée en apprenant que tout n’était pas perdu, en entendant ce langage qui lui rappelait à la fois les désastres éprouvés, les réparations laborieusement accomplies, le danger des abdications populaires, la généreuse efficacité des institutions libres.

Le discours que M. Laboulaye à son tour a prononcé dans une réunion est l’histoire du centre gauche, le résumé fidèle et familier de sa conduite, de sa politique au moment présent. Il peut bien y avoir une certaine mélancolie ingénieusement exprimée dans cet aveu que le centre gauche a dû se résigner à tous les sacrifices, « sans être convaincu toutefois que le pays eût aussi peur de lui qu’on a bien voulu