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Une fois les germes en question connus et désignés comme graines, il semblait tout simple de les semer pour obtenir directement la reproduction artificielle de la truffe. De là cette série de tentatives dont Bradley en Angleterre (1756), le comte de Borch en Piémont (1780), Alexandre de Bornholz en Allemagne (1825), le comte de Noé en France (vers 1828), sont les auteurs les plus connus. Ces procédés, imités de Ciccarelli, consistent, sauf les variantes, à introduire dans un sol approprié des truffes entières ou des fragmens ou épluchures de truffes mûres ou pourries. Malgré les assertions positives qui semblent en garantir la réussite, la meilleure preuve de l’insuccès de ces prétendus semis, c’est l’abandon complet dans lequel ils sont tombés. Le problème n’est pas si simple qu’il semblait l’être au premier abord ; mais, pour en comprendre la difficulté réelle, il faut examiner de plus près la nature des spores de la truffe et les phases complexes d’évolution par lesquelles passent les champignons entre la germination initiale de leurs spores et la production de nouvelles spores pareilles à celles qui ont servi de point de départ à ces organismes.

Et d’abord que représentent les spores ou soi-disant graines de truffes ? Sont-ce des corps analogues aux vraies graines des végétaux supérieurs ? Produisent-elles directement la truffe telle qu’elle se montre à nous avec son tissu compacte et solide, ou bien donnent-elles naissance à une formation intermédiaire (mycélium), qui représenterait la partie végétative de la plante, tandis que la truffe n’en serait que la partie fructifère ? Des opinions différentes se sont produites sur cette difficile question.

La première idée est celle que la truffe est vivipare, en ce sens que ses germes intérieurs (spores des auteurs) représenteraient de petites truffes en miniature qui n’auraient qu’à grossir insensiblement pour devenir pareilles aux truffes-mères. Émise par les botanistes anglais Hill et Watson, puis par notre compatriote Bulliard, cette opinion prit surtout une forme bien arrêtée dans un mémoire de Turpin, membre de l’Académie des Sciences, esprit original et chercheur, mais subtil et systématique, qui de la meilleure foi du monde sacrifiait dans ses dessins la vérité aux apparences que lui montrait son imagination toujours excitée. Séduit par une ressemblance superficielle entre les spores à surface hérissée de pointes de la truffe noire et la truffe adulte elle-même avec son écorce verruqueuse, il appelle hardiment truffinelles ces spores, qui n’étaient pour lui que des truffes lilliputiennes. C’était une « vue de l’esprit, » à laquelle des dessins plus symétriques qu’exacts ne donnaient qu’un appui bien fragile : le seul fondement biologique qui semblât soutenir cette théorie, c’est l’observation ultérieure de Vittadini, qu’il aurait