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solennel des Touaregs, gardiens des routes que suivent les caravanes, était nécessaire. Obtenir semblable concession d’un peuple fier et farouche semblait fort difficile ; toutefois à la fin de 1861 la situation était devenue meilleure. Un des plus puissans chefs de la tribu des Azgueurs, cheik Ikhenoukhen, venait, à l’occasion du voyage de M. Duveyrier, de donner des preuves manifestes de son bon vouloir et de son amitié pour la France, en se compromettant même vis-à-vis de ses compatriotes. Un autre personnage très influent chez les Touaregs avait visité Alger. Venu en France avec sa suite, il avait été présenté à l’empereur, qui lui fit l’accueil le plus bienveillant. On se rappelle la sensation que fit à cette époque à Paris l’arrivée des chefs touaregs avec leurs visages couverts de voiles noirs. Le cheik avait remporté de son voyage une impression favorable ; de retour en Algérie, il accepta de proposer aux notables de son pays une entrevue avec des mandataires de la France qui devaient arrêter les clauses d’une convention assurant à nos négocians nationaux ou indigènes une entière sécurité dans le pays des Touaregs. Le lieu choisi pour l’entrevue, fixée au 25 octobre 1862, fut Ghadamez, le centre commercial le plus rapproché de l’Algérie parmi ceux que fréquentent ces peuples. La mission française devait se rendre par mer à Tripoli, de là à Ghadamez ; elle était commandée par M. le chef d’escadron Mircher. A son arrivée à Tripoli, le muchir turc Mahmoud-Pacha fit le plus gracieux accueil à la mission ; il lui donna une escorte de vingt cavaliers et trente chameaux. Après quatorze jours de marche, la mission était à Ghadamez. Elle avait rencontré à 3 kilomètres de la ville le mudir Achmet-Bey et une partie de la population, qui s’était portée au-devant. d’elle. Les envoyés français firent une entrée triomphale dans cette grande ville de commerce, l’antique Cydamus, conquise par le consul L. Cornélius Balbo l’an 30 avant Jésus-Christ.

Dès le premier jour de son arrivée, la mission française reçut de nombreuses visites : tous les Touaregs présens à Ghadamez vinrent la saluer. Il n’y avait encore parmi eux aucun des personnages convoqués par le gouverneur-général. Le chef de la mission crut devoir renouveler les invitations faites précédemment, et le jour même des Touaregs partaient dans toutes les directions sur leurs rapides méharis, porteurs de lettres adressées aux principaux chefs des trois grandes tribus touaregs.

La mission attendit de la fin d’octobre au commencement de novembre les mandataires des tribus. Ce temps fut mis à profit par elle pour explorer la ville et. les environs, et se livrer à l’étude du commerce que depuis de longs siècles les Ghadamsiens font avec le Soudan. Enfin le 23 novembre arrivèrent cheik Othman,