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contrées lointaines, missions envoyées pour conclure des traités de commerce, rien n’a été négligé pour renouer avec le sud des rapports pacifiques. C’est surtout pendant ces dernières années que la question a fait de notables progrès, et le temps n’est peut-être pas loin où nous verrons refleurir le trafic de l’Algérie avec le Sahara central et le Soudan.


I

Aussitôt que la domination de la France sur les tribus sahariennes fut affirmée par l’occupation militaire et permanente de Géryville, de Laghouat, de Biskra et de Tougourt, le gouvernement sentit qu’il devait s’occuper de préparer au commerce de notre pays l’ouverture des grands marchés du Soudan. Dès l’année 1846, le général Daumas avait rassemblé sur ces pays les renseignemens les plus précieux et les plus authentiques, qu’il a consignés dans plusieurs ouvrages. Cependant l’activité de nos compatriotes n’avait pas attendu jusqu’alors pour explorer cette terre mystérieuse. René Caillié, en 1827, avait frayé le chemin ; il n’eut pas le bonheur de voir flotter le drapeau français au point d’arrivée de son voyage. Le capitaine Rillet était assassiné en 1846 dans l’Oued-Noun, sur la côte marocaine. En 1856, le capitaine Bonnemain, mettant à profit sa parfaite connaissance du pays et de la langue, allait en costume arabe jusqu’à Ghadamez. Un indigène de notre possession du Sénégal, Bou-Moghdad, remontait à l’ouest de la route suivie par René Caillié, et parvenait à Mogador. Un jeune interprète indigène, M. Bou-Derba, aujourd’hui interprète principal de la province de Constantine, faisait un voyage à Ghat, dans le pays des Touaregs du nord, et bientôt un nouvel explorateur, M. Henri Duveyrier (1859-1861), échouant sur la route du Touât, était arrêté à El-Goléah et forcé de retourner sur ses pas. Il visita Ghadamez, séjourna quelque temps devant les murs de Ghat sous la protection du chef touareg Ikhenoukhen, et revint ensuite par le Fezzan.

En 1860, le commandant Colonieu et le lieutenant Burin firent, sous la protection des Ouled-Sidi-Cheik, un voyage au Gourara, une des oasis du Touât, et s’efforcèrent, mais en vain, d’atteindre Timimoum. Ils écrivirent aux gens de l’oasis, offrant d’aller seuls et sans armes au milieu de la djemmâa dire ce qu’ils étaient venus faire dans leur pays : une visite. La réponse fut hautaine : jamais chrétien n’avait mis le pied dans le queçar et n’y entrerait que par force ou par surprise. Sujets de l’empereur du Maroc, les gens de Timimoum avaient d’ailleurs l’ordre de ne pas recevoir les voyageurs. Ainsi placés dans les conditions les plus favorables, — la