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chapitres à chercher « les auteurs » de cette révolution, il risque de se perdre dans des détails, qui n’expliquent rien. Assurément, tel qu’il est, le 4 septembre a ses responsabilités : il a duré à son tour six mois qui valent des années, il a été une dictature. Qu’on lui demande des comptes, qu’on aille même chercher des procès-verbaux tout intimes et dénués d’authenticité, ou des dépêches baroques, soit ; je n’ai pas à le défendre, je l’explique. De même que son origine est dans la dissolution de l’empire, sa politique est dans son origine, dans les conditions violentes où il est devenu un gouvernement partagé entre Paris et la province, placé entre l’anarchie intérieure et l’ennemi étranger. C’est sa fatalité et son excuse.

On peut juger les actes de la défense nationale tant qu’on voudra. Le danger est de séparer les événemens des circonstances dans lesquelles ils se sont accomplis, de les étudier avec des impressions reçues de loin ou après coup. L’enquête est pleine de ces impressions toutes théoriques, artificielles, au sujet desquelles le général Trochu, pressé de questions, poussé à bout, répondait un jour impétueusement à M. le comte Daru : « Tenez, mon cher collègue, je suis sincère, je suis vif, et j’y étais ; vous êtes sincère, vous êtes vif, et vous n’y étiez pas. A tous ceux qui n’y étaient pas, je dis et je dirai toujours ce qu’une fois j’ai dit à la tribune parlant à l’assemblée tout entière : Vous raisonnez à votre aise ! Si vous y aviez été,… vous auriez vu que les raisonnemens, les discussions, les objections sont peu de chose devant l’effrayante réalité… »

Je prends deux ou trois de ces points d’accusation rétrospective, sur lesquels l’enquête insiste particulièrement. Pourquoi le gouvernement de la défense, après avoir commis la faute de sanctionner la dissolution du corps législatif de l’empire, ne se hâtait-il pas de réunir une assemblée nationale ? Eh ! sûrement rien n’eût été mieux que de réunir une assemblée nationale. Cela semble bien facile aujourd’hui ; au mois de septembre 1870, c’était une nécessité que la plupart des membres du gouvernement sentaient eux-mêmes, puisque M. Jules Favre allait demander un armistice à Ferrières pour consulter le pays. Il faut cependant avoir un peu de mémoire. Avant que quinze jours fussent écoulés, l’ennemi était sous nos murs. Une partie considérable de la France était déjà envahie, l’autre partie était séparée de Paris pour cinq mois par l’investissement. Au milieu des difficultés croissantes, un sentiment dominait tout, la volonté de combattre. Était-ce donc un si grand crime de se demander si des élections nécessairement incomplètes, faites dans ces conditions obscures et incertaines, ne seraient pas une diversion dangereuse, un affaiblissement de la défense nationale, surtout après le refus de Ferrières ? Un homme qui