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des récriminations personnelles ou des accusations de parti, puisqu’elle se promettait de rester un grand acte d’équité parlementaire sans devenir un procès politique. En réalité, la commission ne s’est point contentée du rôle qu’elle s’était tracé. Elle a cru rester fidèle à la mission qu’elle avait reçue, c’est bien certain ; elle n’a pas moins porté dans le travail qu’elle entreprenait l’esprit d’une majorité confuse dont elle était elle-même l’expression assez incohérente. Elle a trop visiblement cédé à la tentation d’accuser, de mettre ses opinions et ses préférences dans ses rapports. Elle a provoqué ou écouté quelquefois complaisamment des témoignages passionnés, intéressés, qui ont pu se produire sans contradiction à l’insu même de ceux qui étaient mis en cause, et, en protestant qu’elle n’était point un tribunal, elle a rendu ou elle a laissé rendre en son nom des jugemens dénués de sanction, assez légèrement livrés à la curiosité publique.

La commission a travaillé pendant plus de deux ans, elle a rassemblé des dépêches, des documens sans nombre, elle a entendu tous les témoins possibles depuis le président de la république jusqu’à des agens obscurs, depuis le maréchal de France jusqu’à des inconnus ; elle a fait son monument, et le dernier mot de cet immense effort est une œuvre assurément substantielle, abondante en renseignemens, en révélations et en indiscrétions, mais informe et diffuse, d’une critique peu sûre, d’une autorité affaiblie par toutes les contestations qu’elle a déjà provoquées, une œuvre à laquelle le général Trochu dans ses livres, — Pour la vérité et pour la justice, — la Politique et le siège de Paris, — peut dire, non sans raison : Qui êtes-vous ? d’où venez-vous ? Ces témoignages que vous invoquez, en avez-vous vérifié l’exactitude et la valeur ? Ces faits que vous exposez, que vous incriminez, vous êtes-vous assuré s’ils étaient vrais ou s’ils n’avaient pas une explication douloureusement simple ? Vous dites que vous êtes une enquête parlementaire, n’êtes-vous pas plutôt une campagne entreprise par de fort honnêtes gens abusés par des préventions, divisés d’opinions et concentrant un moment leurs efforts contre ce qu’ils appellent l’ennemi commun, le 4 septembre ? Vous êtes-vous demandé enfin si, avec toutes ces divulgations, vous n’alliez pas rabaisser jusqu’à nos malheurs, livrer de nouveaux alimens à des curiosités malsaines, combler de joie des ennemis et servir des ressentimens de parti ?

Ce qui est certain, c’est que l’enquête parlementaire, telle qu’elle a été faite, telle qu’elle apparaît dans ce vaste ensemble de dépositions et de rapports, est une des expressions les plus curieuses, les plus saisissantes de la confusion des esprits, de toute une