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cornes et 100,000 moutons, dont une partie est venue dans ce parc.

Repassons le Mississipi et rentrons dans Saint-Louis. La ville étale devant nos yeux ses rues marchandes si animées pendant le jour, et ses quartiers élégans où l’on se retire après les affaires. Les artères principales sont sillonnées aux plus lointaines distances, comme dans toutes les cités américaines, par les tramways ou chemins de fer urbains. Toutes les compagnies dont les cars rapides courent sur ces tramways se sont unies en une sorte de fédération fraternelle, et les billets de l’une, qu’on acquiert avec un rabais, si l’on en prend un certain nombre, donnent droit à entrer dans tout autre car) ils ont même une valeur courante, celle d’une petite monnaie de papier qu’on reçoit partout en paiement, comme les timbres-poste dans quelques pays. En parcourant la ville dans ces véhicules, on passe devant des squares gracieux qui offrent au promeneur des sièges commodes et des allées pleines d’ombre, de verdure et de fleurs. Çà et là se dresse une statue de bronze qui tranche sur le paysage. C’est Benton, une des gloires de Saint-Louis, que l’état de Missouri envoya longtemps au sénat fédéral, un des promoteurs du chemin de fer du Pacifique, le même qui prononça dans un de ses plus beaux discours les fameuses paroles qu’on a gravées sur le socle de sa statue : « c’est ici qu’est l’est, c’est ici qu’est l’Inde, » pour indiquer à ses concitoyens que la route du Pacifique devait être la grande voie commerciale du monde, la vraie route vers l’extrême Orient. Et Benton qui disait cela avant que les États-Unis fussent arrivés au Pacifique, avant qu’ils se fussent annexé la Californie, Benton ne s’est pas trompé ; seulement il est mort avant que les événemens lui aient donné raison, avant que le double ruban de fer ait été jeté par les Américains d’un océan à l’autre. Signalons dans le même lieu la reproduction en bronze de la belle statue de Washington par « le citoyen Houdon ; » l’original en marbre est à Richmond, capitale de la Virginie. Le grand statuaire passa l’Océan en 1788 pour venir mouler le grand politique, et, comme pour Voltaire, il le fît mettre tout nu, jeta le plâtre sur ses traits et sur son corps, et, poussant jusqu’au bout l’amour de la réalité, n’épargna pas même son épée, ses éperons et ses bottes. On sait ce que Houdon tira ensuite de sa maquette. Son Washington est une œuvre magistrale, égale du Voltaire que nos petits-fils ne cesseront d’admirer comme nous au foyer de la Comédie-Française.

Saint-Louis n’a pas seulement des parcs au milieu de ses rues, il a aussi dans son voisinage un superbe jardin botanique, le seul en ce genre qui existe aux États-Unis, orné de magnifiques serres, et don d’un Anglais qui est resté cinquante ans à Saint-Louis, s’y