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sur la Valachie dans la production et l’exportation des céréales. Ajoutons que la Basse-Moldavie en particulier, c’est-à-dire la partie de cette contrée la plus voisine du Danube, est naturellement une des plus favorables à la production du froment. Dans la Haute-Moldavie, on cultivait plus particulièrement le maïs, dont le grain, d’une couleur foncée, y est de qualité supérieure, et l’on y avait aussi largement introduit la pomme de terre. Les chemins de fer, entre autres grands avantages, auront celui d’équilibrer peu à peu les conditions différentes de l’agriculture dans toutes les parties de la Roumanie; mais partout il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité de la production, car les blés roumains ne conviennent pas tous indistinctement aux marchés de France et d’Angleterre, et depuis la guerre de Crimée ils rencontrent dans les blés des États-Unis une vive concurrence, qui a forcé, dans les plaines de la Basse-Valachie principalement, les propriétaires d’adjoindre à la culture des céréales celle du colza. On croit cependant qu’il y aurait moyen de produire en Moldavie, par le choix des semences, du froment égalant celui de l’Ukraine et de la Podolie.

Une condition très défavorable à l’amélioration du sol et des cultures en Roumanie, c’est la prédominance des baux de courte durée, de trois à quatre ans au plus, le plus souvent avec l’intermédiaire de régisseurs ou de fermiers principaux, presque tous grecs. La plupart de ces derniers s’enrichissent vite, spéculent sur les terres et deviennent eux-mêmes acquéreurs de domaines sans morcellement. Ils sont arrivés à former ainsi toute une nouvelle classe de propriétaires de plus en plus influente. Souvent aussi des communes entières de paysans se cotisent pour prendre à ferme des terrains d’une étendue considérable; mais, de même que le petit fermier, n’étant assurées que d’une jouissance de trois ans, elles se gardent bien d’entreprendre des travaux dont elles ne recueilleraient pas les fruits : il est également rare que le paysan économise assez pour acheter des terres. De plus les fermiers se trouvent, vis-à-vis des propriétaires et de leurs fondés de pouvoir, dans une dépendance à laquelle il ne leur est pas facile de se soustraire; aussi la grande propriété seule pouvait-elle songer à introduire dans le pays les méthodes d’exploitation rationnelle et des machines, dont les principales, les batteuses à vapeur, y fonctionnent déjà au nombre de plus de 1,200.

Dans l’exploitation telle que l’entend le paysan roumain, la routine règne encore partout ; vingt-quatre jours de travail dans l’année lui suffisent pour assurer sa propre subsistance, ainsi que celle de son bétail en hiver. Vivant presque exclusivement de maïs, les autres récoltes ne l’intéressent que médiocrement. La mamaliga, bouillie de maïs semblable à la polenta italienne, fait le fond de sa