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établie entre les deux cabinets de Saint-Pétersbourg et de Vienne sur l’attitude à prendre vis-à-vis de la Porte et de ses anciennes dépendances, on ne voit pas ce qui pourrait dissuader les autres grandes puissances de se montrer également favorables à l’interprétation rationnelle de l’autonomie roumaine selon l’esprit du traité de 1856. Or avec l’autonomie réelle des principautés, comme il la faut, si l’on désire qu’elles prospèrent au sein de la paix, les seuls avantages que la Porte puisse tirer de sa suzeraineté, c’est le tribut et une garantie pour la sécurité de sa frontière du Danube. Maintenant il est clair que ce dernier but serait encore mieux atteint par une neutralisation pure et simple du nouvel état roumain, et tout aussi peu douteux que la capitalisation du tribut, même à 10 pour 100, serait encore une opération avantageuse au trésor ottoman, vu la nature onéreuse des emprunts auxquels la Porte se voit continuellement obligée dans sa détresse financière. Le vague de la situation actuelle, loin d’écarter les chances de conflit, peut en ramener d’un jour à l’autre et entraîner une conflagration générale en Orient.


IV. — LES RESSOURCES DU SOL, L’AGRICULTURE, L’INDUSTRIE.

La Roumanie est des états naissans de l’Europe orientale le plus homogène, le plus capable de se développer et de prospérer rapidement. L’admirable fécondité de son sol et les avantages de sa situation commerciale, rehaussés par l’affranchissement complet de la navigation du Danube, concourent à cet effet. Non-seulement le Danube, depuis les Portes de Fer jusqu’à la mer, mais aussi la ligne de démarcation qui suit la crête des Carpathes et le Pruth, dans la partie supérieure de son cours, peuvent être considérés comme des frontières naturelles. La vaste plaine qui se déploie au sud et à l’est des montagnes présente en longueur un développement d’environ 600 kilomètres sur une largeur de 100 à 150. Presque entièrement unie et découverte en Valachie, elle est beaucoup plus accidentée en Moldavie. Les Carpathes forment entre l’Austro-Hongrie et la Roumanie un gigantesque rempart, tellement massif et compacte qu’il ne laisse en Valachie pour les communications de frontière qu’un très petit nombre de passages[1].

  1. Les principaux sont en Valachie, vers le Banat, la brèche de Verciorova, près d’Orsova sur le Danube, vers la Transylvanie le passage de Vulcain, dans le haut de la vallée du Jiul, celui de la Tour Rouge dans la direction de Hermannstadt, capitale de la Transylvanie, et celui du Prédial ou de Timesch, sur la route de Bucharest, par Ploesti et la vallée de la Prahova, à Kronstadt, la ville la plus commerçante de la même contrée, — puis en Moldavie, à l’ouest, ceux d’Oituz, de Ghimesch et de Tulgesch, au nord-ouest enfin, vers la Bukovine, celui de Cornu Luntchi et les ouvertures par lesquelles entrent les rivières de Sutchava et du Séreth. La plupart des autres ne sont que d’âpres sentiers presque impraticables.