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la guerre a été porté de 14 millions 1/2 à 18 millions 1/4 de francs, représentant le cinquième du total des recettes de 1874.

On voit qu’il ne manque plus à la Roumanie aucun des élémens nécessaires pour constituer un état souverain. Aussi toutes les grandes puissances, presque tous les états secondaires de l’Europe et depuis quelques années même les États-Unis d’Amérique, ont-ils dans le pays des agens politiques et commerciaux à Bucharest, Iassy, Galatz, Braïla et sur d’autres points encore. Leur mission est non pas seulement de protéger les intérêts de leurs nationaux, mais de représenter directement leurs hauts mandataires auprès du prince, de conférer avec son ministère et d’arrêter avec ce dernier le règlement annuel des tarifs et les autres mesures d’intérêt mutuel commandées par les circonstances. Pour les sujets turcs, il n’y a que depuis peu un agent spécial établi à Braïla. Le gouvernement de Bucharest de son côté a, depuis l’union, des agens attitrés à Vienne et à Paris (pour la France et l’Angleterre), comme à Constantinople et à Belgrade, et plus récemment des postes semblables ont été créés à Berlin, à Rome, à Saint-Pétersbourg.

Ce développement d’institutions, d’établissemens et de rapports nouveaux n’est que la conséquence naturelle et normale de l’autonomie intérieure rendue aux deux principautés par le traité de 1856 et l’acte constitutif de 1858. L’usage qu’elles en ont fait, en s’unissant et poursuivant le travail de leur organisation, n’a jamais eu rien de contraire à l’esprit de ces actes, qui ne pouvait avoir en vue, dans le maintien de la suzeraineté ottomane, que la garantie d’un état de paix durable et de bon voisinage entre elles et la Porte. Il est donc regrettable que l’on n’ait pas pris partout, dans la rédaction de ces actes, le soin nécessaire pour prévenir des malentendus et empêcher, dans l’interprétation de la suzeraineté, des contradictions entre la lettre et l’esprit. Ces incertitudes ont permis à la Porte de maintenir ou élever toute sorte de prétentions vaines, chimériques et indifférentes au fond pour ses propres intérêts, mais gênantes et vexatoires pour la Roumanie. On soulève des chicanes de pure forme, des tracasseries toujours renaissantes au sujet de la monnaie de ce pays, du droit de son prince de conférer des décorations, de celui de son gouvernement de signer des conventions et de conclure des traités de commerce internationaux, de certaines compétences de juridiction, bien que l’autonomie d’un pays implique tous ces droits. Pour le monnayage et pour certaines conventions, comme elle en a déjà fait avec la Russie et l’Autriche, la Roumanie a dû passer outre, et pour ce qui concerne la négociation directe d’un nouveau traité de commerce avec l’Autriche, celle-ci a déclaré qu’elle ne tiendrait compte d’aucune opposition de la Porte. Il n’y a donc plus de question sur ce point. Depuis l’entente qui s’est