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les Turcs ne furent définitivement expulsés des forteresses occupées par eux sur la rive gauche du Danube que dans la guerre de 1829. Le traité d’Andrinople rendit alors aux principautés leur autonomie et investit leurs princes d’un pouvoir viager; mais il établit en même temps le protectorat russe, qui fit passer la suprématie de fait du sultan au tsar. De cette époque date aussi le règlement organique, dont l’élaboration avait été confiée par le gouvernement russe au général Paul de Kisselef, qui s’en acquitta très habilement; mais après l’évacuation des principautés par les Russes il se produisit, par suite du réveil de l’esprit national, aspirant à l’indépendance, une grande fermentation, très favorable au déploiement de l’influence française, qui y gagna du terrain. Après la guerre de Crimée, le traité de Paris, du 30 mars 1856, substitua au protectorat russe la garantie collective des puissances signataires, qui confirmèrent les principautés dans la pleine jouissance de leur autonomie de droit, ne laissant au sultan que la suzeraineté. Celle-ci maintient la Roumanie dans l’obligation de payer chaque année à la Porte un tribut de 1 million de francs environ et lui interdit toute alliance contraire aux intérêts de la Turquie; cependant on peut dire qu’en somme elle se réduit à des prérogatives de pure forme. Par une autre convention, signée également à Paris le 19 août 1858, on crut avoir fixé les bases du régime futur des deux principautés; mais le besoin d’unité poussait tous les esprits à une fusion. L’union douanière, existant entre elles depuis 1847, avait été comme un prélude de ce mouvement, auquel la double élection du prince Couza imprima un caractère plus décisif. La reconnaissance de ce fait accompli détermina, le 24 janvier 1862, la réunion de la Valachie et de la Moldavie en un seul état et l’installation du nouveau gouvernement central, formé d’un ministère unique et d’une représentation commune, à Bucharest, qui devint ainsi la capitale de toute la Roumanie. Après l’abdication forcée d’Alexandre Couza, le suffrage national appela au trône, au mois d’avril 1866, le prince Charles, actuellement régnant, deuxième fils du prince Charles-Antoine, chef de la branche aînée catholique de Hohenzollern. En 1869, Charles Ier de Roumanie a épousé Elisabeth de Wied, nièce du duc de Nassau et de la reine de Suède.

Une nouvelle constitution, modelée sur celle de la Belgique, avait été votée dans l’année même de l’avènement du prince et acceptée par lui. En vertu de cette charte, la Roumanie forme, sous l’égide de sa souveraineté héréditaire, également transmissible à ses collatéraux mâles, un état autonome, un et indivisible. Le corps électoral, divisé en quatre collèges d’après un cens gradué, comprend tous les contribuables payant à l’état un impôt quelconque; la représentation nationale se compose d’une chambre des députés et