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leur origine les Juifs espagnols, venus en Roumanie de Constantinople, où ils ont depuis plusieurs siècles des maisons non moins importantes, ainsi que sur d’autres places du Levant.

Les 5 millions d’habitans de la Roumanie se répartissent entre 62 communes urbaines et plus de 7,400 villages et hameaux, formant 3,020 communes rurales. La majeure partie des premières ne sont, il est vrai, que de grandes bourgades. Les secondes sont généralement assez éloignées les unes des autres, ce qui ne saurait étonner dans un pays où la densité de la population ne dépasse guère une moyenne de 40 habitans par kilomètre carré. Cela n’empêche pas que la Roumanie, venant, pour l’étendue et la population, immédiatement après l’Espagne et le royaume uni de Suède et de Norvège, ne tienne une des premières places parmi les états de second ordre de l’Europe, car, si elle surpasse de beaucoup chacun de ces derniers en superficie, elle n’est, pour le nombre d’habitans, pas sensiblement inférieure même au royaume de Belgique, le plus peuplé d’entre eux. De même la capitale du nouvel état roumain n’est primée que par Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne. En effet, bien que le manque de recensemens officiels ne permette de juger que par approximation de l’accroissement des villes roumaines, on ne saurait évaluer la population de Bucharest à moins de 150,000 ou 200,000 habitans; on estime celle d’Iassy à 90,000, et celle de Galatz, qui s’accroît le plus rapidement, à 80,000; puis on mentionne encore sept villes où le chiffre varie de plus de 20,000 âmes à près de 40,000, et huit autres où l’estimation flotte entre 10,000 et 20,000. L’importance des deux principautés unies serait plus grande encore, si pendant près d’un siècle, du temps de l’hospodarat fanariote, la Porte, foulant aux pieds tous leurs droits, ne les avait pas obligées à payer de leur fonds ses propres revers. Ainsi la paix de Passarowitz, en 1718, entraîna temporairement pour la Valachie la perte de tout le pays de la rive droite de l’Oit ou banat de Craïova, que l’Autriche, il est vrai, restitua vingt et un ans plus tard; mais en 1774 la Moldavie à son tour fut dépossédée de la Bukovine au profit de la même puissance, et en 1812 la paix de Bucharest lui enleva la Bessarabie, cédée aux Russes, qui ne lui en ont rendu qu’une petite partie.


II. — L’ORGANISATION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE, L’ETAT SOCIAL.

Réduites à subir depuis 1716 un joug odieux, en violation flagrante de tous les droits qui leur étaient garantis par les anciennes capitulations, sur lesquelles les Roumains fondent leur autonomie, les principautés ne commencèrent à respirer un peu que quand la Russie, dans ses traités avec la Porte, prit en main leur cause. Cependant