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de nos jours. D’après cette théorie, notre soleil et les planètes furent autrefois dilatés dans l’espace à l’état de gaz excessivement subtil. C’est par la condensation que le système solaire en provint. Quelle fut la cause de cette condensation? La perte de chaleur. Qui arrondit le soleil et les planètes? Ce qui arrondit une larme, — la force moléculaire. Pendant des périodes dont l’immensité écrase les conceptions humaines, la terre fut impropre à entretenir ce que nous appelons la vie; elle est aujourd’hui couverte d’êtres vivans. La matière dont ils sont formés ne diffère pas de celle de la terre. Ils sont au contraire les os de ses os et la chair de sa chair. Comment sont-ils apparus? La vie était-elle impliquée dans la nébuleuse, peut-être comme fraction d’une vie plus vaste et absolument insondable? ou bien est-elle l’œuvre d’un être extérieur à la nébuleuse, qui la façonna, la vivifia, mais dont l’origine et les voies se dérobent à nos recherches? Aussi loin que l’œil de la science a jusqu’à présent pénétré la nature, il n’a jamais constaté, dans aucune série de phénomènes, l’intrusion d’un pouvoir purement créateur, et la présomption d’un tel pouvoir comme moyen de rendre compte des phénomènes spéciaux a toujours abouti à une déception... Regardant donc comme certain que la nébuleuse et le système solaire, la vie y comprise, sont ensemble dans un rapport analogue à celui du germe et de l’organisme achevé, j’affirme ici de nouveau, sans arrogance comme sans provocation, mais sans l’ombre d’une indécision, la position que j’ai adoptée à Belfast.

« Ce n’est pas avec des émotions vagues, c’est avec la précision requise par l’entendement que l’homme de science doit envisager la question de l’apparition de la vie sur le globe. Il sera le dernier à dogmatiser sur un pareil sujet, car il sait mieux que personne combien jusqu’à présent la certitude s’est montrée inabordable. S’il refuse d’admettre l’hypothèse de la création spéciale, il affirme bien moins par là sa connaissance qu’il ne proteste contre une présomption de connaissance qui longtemps encore, si ce n’est toujours, nous échappera, et dont la prétention est une source de confusion perpétuelle. Tout prêt du reste à se laisser convaincre, il demande seulement à ses adversaires de lui montrer sur quelle autorité repose la croyance qu’ils proclament d’un ton si hardi et si tranchant. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est d’indiquer le livre de la Genèse ou telle autre portion de la Bible. Pour moi, ces premiers essais de l’esprit humain cherchant à satisfaire son désir ardent de trouver une cause universelle sont profondément intéressans et même tragiques ; mais, dans les débats scientifiques, le livre de la Genèse n’a pas la parole. Après avoir quelque temps résisté à l’étreinte de la géologie, il a fini par céder comme un bloc