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recherchent pas les conflits, ils ne les craignent pas non plus, et dans leur impartialité ils reconnaissent volontiers la légitimité de l’élément religieux de l’esprit humain; mais ils disent qu’il ne rentre pas dans leur compétence de lui fournir les satisfactions qu’il réclame. Ils se bornent à énoncer des vérités de l’ordre scientifique qu’ils croient démontrées; c’est aux hommes de la science religieuse de dire ce qu’il faut faire pour dégager la religion essentielle des difficultés provenant de ses rapports avec les sciences de la nature. Il y a dans cette attitude calme et résolue quelque chose qui commande le respect de tous les hommes sérieux. C’est sur ce terrain-là seulement que pourra s’opérer une conciliation nouvelle des deux plus grandes forces de l’humanité. À ce point de vue, il sera intéressant de faire d’un peu plus près connaissance avec deux champions éminens de la liberté de la science, MM. Huxley et Tyndall, que leurs talens oratoires aussi bien que leur illustration scientifique ont désignés tout particulièrement aux attaques des orthodoxies de toute couleur.


II.

M. Thomas-Henri Huxley est né en 1825 à Ealing (Middlesex). D’abord médecin civil, puis attaché au service médical de la marine, il s’embarqua en 1846 comme chirurgien sur le Rattlesnake, envoyé en mission d’exploration dans les mers du sud. Pendant ce voyage de quatre ans, il étudia de préférence, et avec un succès marqué dans les annales de la science, la faune encore peu connue de ces mers lointaines. En 1854, il succéda à M. Edward Forbes en qualité de professeur d’histoire naturelle à l’École des mines. Infatigable dans son zèle pour l’avancement des sciences, auteur d’ouvrages d’un grand mérite technique, honoré par ses compatriotes et par les étrangers des marques de distinction les plus flatteuses, prenant une part officielle et active aux travaux des comités préposés à la direction de l’enseignement public, M. Huxley a vu sa réputation scientifique grandir d’année en année. Ses investigations, très appréciées du monde savant, se sont étendues à toute la série du règne animé, depuis les bathybius et les zoophytes jusqu’à l’homme. Des plumes plus compétentes que la nôtre ont rendu hommage à l’importance de ses découvertes sur les méduses, les échinodermes, les ascidies, les différentes classes de mollusques. Il s’occupa ensuite des vertébrés au point de vue de l’anatomie comparée et leur consacra un travail spécial de généralisation. L’un des premiers, il fit à l’homme l’application des théories de Darwin sur la sélection naturelle.