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rapproche, au moins par les sympathies scientifiques, d’hommes éminens dans les diverses branches du savoir humain, comme eux en butte aux attaques passionnées des orthodoxes de toute couleur, mais qui, vivant en dehors de toute église et de toute croyance déterminée, entendent propager librement les résultats de leurs recherches sans s’inquiéter des conséquences religieuses que ces résultats peuvent entraîner.

C’est ce qui nous amène à envisager directement une phase nouvelle et des plus intéressantes de la crise dont nous retraçons les grandes lignes. Nous pourrions la caractériser par ce seul mot, la sécularisation du débat théologique. J’entends par là qu’au lieu de se renfermer comme auparavant dans une argumentation empruntée tout entière à l’arsenal de la théologie proprement dite, le débat se transporte sur le terrain laïque, temporel et philosophique. lin ce moment, deux grandes questions sont à l’ordre du jour du public anglais. La première a été, non pas posée, elle l’était depuis longtemps, mais dénoncée urbi et orbi avec un éclat retentissant par M. Gladstone. Il s’agit de savoir, non pas au point de vue théologique, mais au point de vue politique et social, si la centralisation vigoureuse et définitive, imprimée à l’église catholique par les récens décrets du Vatican, permet aux gouvernemens modernes de rester entièrement désarmés devant un système qui en fait subordonne absolument à un pouvoir étranger la conscience et par conséquent les actes d’une partie plus ou moins considérable de leurs ressortissans. Les critiques, les répliques, les dupliques, pleuvent comme grêle, et il serait encore prématuré de vouloir deviner la solution anglaise d’une question que l’Allemagne a prétendu trancher d’autorité, et dont en France nous avons l’air d’ignorer l’existence.

Il est un autre point litigieux dont la conséquence immédiate est moins sensible, et qui pourtant domine de haut le premier. C’est celui qui concerne les découvertes faites dans l’ordre des sciences naturelles, quand on les met en rapport avec les croyances généralement admises par la plupart des sociétés religieuses. Là encore ce n’est plus à l’argument théologique de prononcer en dernier ressort, ce sont des physiciens, des physiologistes, des géologues, des naturalistes, qui somment les orthodoxies traditionnelles de renoncer à celles de leurs prétentions impliquant des opinions sur la nature que la science moderne déclare erronées. Or beaucoup de ces prétentions ne sauraient être abandonnées sans entraîner la refonte totale, si ce n’est la ruine, des croyances qui passent pour essentielles au christianisme orthodoxe.

En effet, ce n’est plus seulement la valeur relative du credo catholique