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Il n’a point été compromis dans les crises ministérielles, dans le conflit des rivalités, dans les négociations inutiles. Il est resté neutre sur son siège présidentiel, maintenant pour tous la liberté de discussion, assez ferme néanmoins pour provoquer dernièrement les plus étranges violences de l’extrême droite.

Nul n’a une position plus libre et plus indépendante pour former, soit avec quelques-uns des membres du cabinet qui va disparaître, soit avec des hommes pris dans les divers groupes de la majorité, un ministère répondant à la situation nouvelle, s’inspirant de tous les sentimens de modération, de conciliation, qui ont fait triompher les lois constitutionnelles. Que tout soit facile, nous ne l’assurons pas; du moins la tâche est devenue plus simple non-seulement parce qu’on en a fini avec tous les ménagemens pour les partis excentriques dont on n’a plus à subir l’alliance, mais parce que les questions qui pouvaient diviser la masse des partis modérés eux-mêmes n’existent plus, et, s’il faut tout dire, parce que l’assemblée, après avoir fait tout ce qu’elle avait à faire, la paix et une constitution, arrive à une de ces périodes où la vivacité des conflits s’épuise.

La première mission d’un gouvernement aujourd’hui, c’est de prendre pour point de départ la situation nouvelle qui vient d’être créée, et de la faire respecter par tous, en commençant par mettre un terme à toutes ces compétitions et ces agitations qui ont si longtemps fatigué le pays, qui finissaient par communiquer l’hésitation à l’administration elle-même et jusqu’à la magistrature. Est-ce qu’on n’a pas vu plus d’une fois les tribunaux hésiter dans la répression, laisser se produire les plus étranges manifestations, faute d’une règle, parce qu’il n’y avait point un gouvernement défini ? Que chacun garde ses préférences intimes, ce n’est point la question; mais il ne peut certainement être permis, dans un état devenu plus régulier, de mettre chaque jour le gouvernement en doute, de se livrer à un bruyant étalage de candidatures royales et impériales. Ceci est tout simplement du désordre. S’il fallait une preuve saisissante, décisive, des progrès du désordre favorisé par un provisoire indéfini, cette preuve existe aujourd’hui : elle est dans les révélations de la commission d’enquête sur l’élection de la Nièvre, dans le rapport substantiel et hardi d’un jeune député du centre droit, M. Savary, qui, à propos d’un incident électoral, a su retracer un tableau aussi complet qu’instructif des manœuvres du bonapartisme ; elle est enfin dans la déposition du préfet de police, M. Léon Renault, qui n’a point hésité à dévoiler devant la commission de l’assemblée la plus étrange situation. On le voit maintenant : tandis que les partis se livraient à leurs querelles sur la monarchie et sur la république, sur le septennat personnel ou impersonnel, sur le définitif ou le provisoire, le bonapartisme était à l’œuvre. Il avait son ministère, ses