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espérer et que la question devenait pressante, il n’a plus reculé devant des alliances nouvelles qui offraient un moyen d’atteindre le but, et c’est ainsi que s’est opéré ce rapprochement du centre droit, du centre gauche et de la gauche, dont le vote des lois constitutionnelles reste la dernière et victorieuse expression. Il n’y a là ni hasard, ni artifice; il y a tout simplement une œuvre de transaction et de prévoyance librement acceptée par les uns et par les autres, réalisée sur le terrain d’une république qui avait hier une existence de fait toujours disputée, qui a aujourd’hui l’autorité de la loi.

C’est la nécessité qui a conduit là, c’est l’audace tapageuse et croissante du bonapartisme qui a précipité le dénoûment en décidant l’alliance d’où est sortie une majorité nouvelle, en déterminant entre les chefs des divers groupes un système d’action commune, une sorte de traité qui seul pouvait assurer le succès. Quelle est en effet la cause évidente de toutes les confusions et des accidens parlementaires de ces derniers temps ? C’est qu’on allait au hasard, sans règle, sans suite et surtout sans confiance, cédant un jour à une velléité de rapprochement pour se retirer aussitôt, démentant le soir ce qu’on avait paru accepter le matin, flottant toujours entre la conciliation et la rupture selon le caprice d’un scrutin. C’est ainsi que les lois constitutionnelles ont failli sombrer il y a quelques jours dans un de ces votes d’aventure où une manœuvre des bonapartistes aidait la gauche à commettre la faute de faire passer à l’improviste un sénat élu directement par le suffrage universel. Peu s’en est fallu que la tactique ne réussît, puisque ni le gouvernement ni le centre droit n’acceptaient le sénat ainsi composé, et qu’un ajournement remettait tout en question. La faute a été heureusement sentie et elle a été aussitôt réparée. C’est là précisément ce qui a provoqué des délibérations décisives d’où sont sortis des projets nouveaux qu’on s’engageait de part et d’autre à voter sans hésitation, sans contestation, sans amendemens d’aucun genre, et la parole a été tenue par tous, le plan de campagne a été suivi jusqu’au bout avec une résolution qui ne s’est laissé ni ébranler ni détourner de son chemin.

C’était évidemment la seule manière de réussir : il fallait offrir de tous côtés un front inattaquable, ne pas se laisser entamer, savoir résister à toutes les séductions, à toutes les tentations. On l’a fait, et on a réussi. Que ce système ait déconcerté les oppositions dont l’unique pensée était de chercher une fissure dans ce bloc de l’organisation constitutionnelle pour amener un nouveau désarroi, de nouvelles ruptures, ce n’est point douteux. Les oppositions n’ont pas moins livré la bataille avec une persévérance digne d’une meilleure cause, et pendant quelques jours elles ont offert dans cette assemblée de Versailles un spectacle aussi curieux qu’inutile. Ils sont tous montés sur la brèche depuis le jeune M. de Castellane jusqu’au vieux M. Raudot en passant par l’impétueux