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telle paraissait être sa devise. Bientôt commença le concert : on entendit d’abord deux sonneurs de trompe, de véritables virtuoses dans leur genre, qui savaient faire parcourir aux sons de leurs instrumens toute la gamme des voix de la création, depuis les soupirs de la brise jusqu’au rugissement du lion en fureur. Puis vinrent des chanteurs et des bouffons, dont l’un paraissait être le fou du roi. Enfin Mounza se leva et prit la parole; son discours, qui évidemment visait à l’éloquence, fut à chaque instant interrompu par des applaudissemens frénétiques. Une symphonie que le roi dirigeait lui-même termina la fête.

Le lendemain, M. Schweinfurth fut réveillé avant le jour : le roi lui envoyait une maison. C’était un énorme panier de rotang muni de son couvercle, et qu’on s’empressa d’adosser à la tente du voyageur. Ainsi domicilié chez les Mombouttous, il ne tarda pas à entrer avec eux en rapports plus intimes. On lui apporta des armes, des outils, des plantes, des crânes en grand nombre, crânes qui représentaient les restes de repas de cannibales. C’est en effet ici le point de l’Afrique où l’anthropophagie est le plus en honneur. M. Schweinfurth en rencontrait des preuves à chaque pas, bien que le roi, connaissant l’aversion de ses hôtes pour cette hideuse coutume, eût défendu de préparer les repas de chair humaine en public. Malgré leurs habitudes de cannibalisme, les Mombouttous sont sous bien des rapports supérieurs à leurs voisins; les Nubiens vantent la solidité de leur amitié et la noblesse de leur caractère. Il y a dans les traits de leur visage quelque chose qui semble trahir une oriine sémitique.

Les visites des indigènes, tout intéressantes qu’elles fussent pour lui, finirent cependant par importuner notre voyageur; ce fut surtout la curiosité des femmes qui devint exaspérante : elles le suivaient pas à pas, lui faisaient cortège par centaines, épiaient ses moindres actions. Cette vie dura trois semaines; c’étaient tous les jours des fêtes, des chasses, des surprises de toute sorte, parmi lesquelles la réjouissance qui eut lieu à l’occasion du retour d’une troupe chargée de butin ne fut pas la moins curieuse. Ce jour-là, le roi Mounza, couvert d’un costume fabriqué de plumes et de queues d’animaux, exécuta au milieu d’un cercle formé par ses quatre-vingts épouses une espèce de danse nationale, se disloquant et gambadant avec la furie d’un derviche ivre. Un autre jour, Mounza se mit en tête qu’il aurait les deux chiens de son hôte, qui étaient d’une race plus grande que celle du pays. Après de longues négociations, car M. Schweinfurth tenait beaucoup à ses chiens, Mounza en obtint un en offrant de le payer par un échantillon de la nation naine des Akkas.

On connaît les traditions des anciens concernant le peuple des Pygmées, toujours en guerre avec les grues. Les Nubiens de M. Schweinfurth lui avaient plus d’une fois parlé d’un peuple nain qui semblait