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rappelle les noms de ceux que chaque pays a jadis prêtés à la Hollande; puis il invite les délégués à faire connaître les messages dont ils ont été chargés. Son discours est en latin, mais il ne lit pas, comme on le ferait chez nous en pareille occurrence. C’est un plaisir d’entendre ce latin fortement accentué; il semble couler de source, et, par la chaleur du débit, par le ton de la voix, il se colore et se nuance comme une traduction directe de la pensée. Le latin est encore ici presqu’une langue vivante. Hier, à la soirée des étudians, au milieu des verres de Champagne et de la fumée des cigares, on a prononcé des harangues latines. C’est une idée qui ne viendrait pas chez nous à des étudians. Même en Hollande, combien cela durera-t-il? M. Cobet est maintenant le seul à Leyde qui professe et qui interroge en latin. C’était pourtant chose bien commode que cette langue universelle, premier lien et moyen assuré de communication entre les savans de toute race et de tout pays. Le français a paru pendant un certain temps devoir la remplacer; mais maintenant que, sous l’empire de causes diverses, les différentes langues nationales ont pris conscience d’elles-mêmes et sont toutes cultivées avec amour par ceux qui les parlent, chacun se sert plus volontiers de son propre idiome; le français perd donc du terrain, mais il est permis de douter que, malgré la prodigieuse diffusion de la race anglo-saxonne sur la surface de la planète et malgré les victoires militaires et l’activité scientifique de l’Allemagne, l’anglais ou l’allemand puisse jamais devenir pour le monde moderne ce que le latin a été pour le moyen âge et la renaissance. M. de Vriès s’était rassis; alors commença le défilé des députations. Après quelques mots, chacune remettait, enfermée dans un rouleau de velours ou de maroquin, l’adresse que son université lui avait confiée. M. Milne Edwards, au nom des auteurs, déposa sur le bureau deux opuscules que MM. Carrière et Gaston Paris avaient fait imprimer à l’occasion de ce jubilé; il présenta de la part du ministre de l’instruction publique un riche cadeau de livres que celui-ci envoyait à la bibliothèque de Leyde. Le plus grand nombre des orateurs se servaient du latin; mais on eut aussi des discours en anglais, en allemand, en français. Ici tous les gens bien élevés comprennent ces trois langues, presque tous les parlent plus ou moins facilement. Quand chacun eut placé sa harangue, M. de Vriès, reprenant la parole, annonça que toutes ces adresses seraient placées dans les archives de l’université. « Ce sont, s’écria-t-il, comme les monumens et les gages d’une alliance sacrée qu’ont conclue en ce jour presque toutes les universités de l’Europe; engageons-nous tous à persévérer constamment dans cette confraternité scientifique, à poursuivre tous la même tâche, d’un même cœur et la main dans la main, à défendre