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A peine avions-nous dîné, il faut nous mettre sous les armes. Le bourgmestre, M. Van den Brandeler, et les échevins, attendent les étrangers pour leur souhaiter la bienvenue au nom de la noble cité; mais la réception n’aura pas lieu à l’hôtel de ville, trop petit pour tant de visiteurs. Le rendez-vous est dans une grande salle de concert (Stads Gehoorzaal) qui appartient à la ville; avec les spacieux salons et les galeries hautes qui y sont jointes, elle paraissait faite tout exprès pour des réunions comme celle-ci : aussi servit-elle tous les soirs. La façade en est illuminée, ainsi que celle de l’hôtel de ville. Aux fenêtres de beaucoup de maisons, des transparens nous font lire en lettres de feu 1a date inoubliable, 1575. L’intérieur de la salle est décoré avec goût de belles plantes tropicales, prêtées par le jardin botanique, de feuillages et de fleure en guirlande. Au fond se dresse fièrement, parmi les verdures, parmi les drapeaux des diverses nations, une Pallas, symbole de la science et de la méditation. On fait le cercle autour du bourgmestre, qui nous adresse un discours en hollandais, suivi de quelques paroles en français, prononcées par un des curateurs. Bientôt après nous entendons retentir une fanfare dans la rue; c’est la société musicale des étudians qui vient, à la lueur des torches, nous donner une sérénade. Nous nous retournons; nous voyons entrer plusieurs jeunes gens qui portent au cou de larges rubans rouges ou bleus, tombant sur la poitrine et supportant des insignes qui nous sont inconnus; n’était leur âge, on les prendrait pour des commandeurs de la Légion d’honneur ou d’autres ordres. Ce sont, nous explique-t-on, les membres du conseil supérieur des étudians, élus par leurs camarades. Leur président, le prœses studiosorum, comme l’on dit ici, Th. Heemskerk, fils du ministre de l’intérieur, étudiant en droit, prend la parole et nous débite, avec beaucoup de feu, un compliment latin; il nous félicite, il nous remercie, au nom de ses camarades, et nous invite tous à une soirée que donnent les étudians, après la réception officielle, dans un des cercles de la ville, à la Concordia, pour ouvrir ensemble le IVe siècle de l’Academia Lugdano-Batava. On se dirige ensuite vers l’entrée, pour mieux entendre la musique; celle-ci joue divers airs nationaux, parmi lesquels la Marseillaise. On rentre, plusieurs orateurs prennent la parole, entre autres M. Renan, qui, dans une vive improvisation, expose la pensée qui a conduit ici tant d’étrangers, et surtout les délégués de la France. Nous ne pouvons que résumer ses paroles, qui soulevèrent un nuage de poussière; on applaudit ici en tapant des pieds! « Le siège de Leyde, c’est une des plus mémorables victoires que la liberté ait remportées sur l’esprit de contrainte et de conquête, sur le despotisme; or sans la liberté il n’est point de