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d’espace, les objets les plus curieux restent en magasin ou bien sont placés de telle manière qu’il est impossible de les voir. Afin d’examiner quelques beaux vases de Vulci, qui sont un des honneurs du musée, M. Ernest Curtius, le savant archéologue de Berlin, et moi, nous avons dû monter sur une échelle.

Dans cet âge héroïque de la Hollande et de l’université, on ne lésinait point sur les crédits demandés pour cette mère nourricière des intelligences, l’alma mater, comme on disait. Il faut lire dans une histoire détaillée de l’université les sacrifices que s’imposèrent à plusieurs reprises les curateurs et les états pour attirer et fixer en Hollande des savans d’une réputation européenne[1]. La pensée des fondateurs avait été surtout de donner aux provinces récemment affranchies une grande école nationale de théologie ; aussi établit-on dans la même ville deux séminaires, l’un pour les candidats flamands au saint ministère, l’autre pour ceux qui étaient destinés à desservir ce que l’on appelle aujourd’hui les églises wallones ou de langue française. Ces écoles théologiques furent agitées et divisées par les controverses des arminiens et des gomaristes, des remontrans et des contre-remontrans, et plus d’une fois, dans le cours de ces luttes, la Hollande parut oublier et renier cet esprit de liberté et de tolérance qui avait été l’honneur de Guillaume d’Orange et dont ses héritiers paraissaient devoir toujours s’inspirer; ce ne furent pourtant là que des accès passagers, où l’intolérance religieuse servit souvent de prétexte et de masque à des haines, à des rivalités, à des ambitions politiques. Nous ne nous engagerons pas dans l’histoire de ces disputes, quoique Arminius et Gomar aient été l’un et l’autre professeurs à Leyde; aussi bien c’est l’étude de l’antiquité classique qui a jeté le plus d’éclat sur l’université de Leyde. Ce qui a fait surtout son succès et sa gloire, ce sont les grands philologues qu’elle a d’abord empruntés à l’étranger et comme adoptés, puis dont les leçons et les exemples ont suscité, en Hollande même, toute une lignée encore vivante d’érudits et de critiques. Nous ne prétendons pas les nommer tous, de Juste-Lipse et de Scaliger à Ruhnken et à Wyttenbach, de Daniel Heinsius et de Meursius à Peerlekamp et à Cobet; mais il importe de montrer comment, grâce aux vues larges et à la libéralité des princes et des états de Hollande, l’université de Leyde ne se borna point à travailler pour la Hollande, comment elle devint un des foyers de lumière les plus brillans qu’ait allumés le génie de la renaissance. Ce

  1. Pour l’histoire de l’université, on pourra encore consulter avec fruit un ouvrage en cours de publication, et dont le premier volume seul a paru. Il a pour titre De Académie te Leulen in de XVIe, XVIIe en XVIIIe eeuw, door Dr G. D. J. Schotel, met platen, Haarlem 1875 (l’Académie de Leyde au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle).