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bonapartistes n’ont eu qu’une pensée, celle d’empêcher à tout prix, par tous les subterfuges de tactique, une organisation sérieuse. La gauche et le centre gauche, il faut le dire, ont montré de la décision et de la modération en se prêtant à des concessions assez larges, ils ont fait un effort de discipline qui eût été plus efficace, s’il eût été suivi jusqu’au bout et s’il eût été quelquefois mieux conduit. Entre la gauche et le camp légitimiste, le centre droit s’est trouvé plein de perplexités, tantôt rejeté vers la droite, tantôt inclinant vers les transactions nécessaires et vers le centre gauche, maître du dénoûment, et hésitant à s’engager avec un certain ensemble. Dès le premier moment et dans ces conditions, il était clair que tout dépendait d’un incident, d’une impression, et que les résultats mêmes qu’on pourrait obtenir resteraient à la merci d’un imprévu toujours possible. Ce qui est sorti de là tout d’abord et non sans bien des tiraillemens intimes, c’est cette proposition, à laquelle un honorable professeur d’histoire, M. Wallon, a eu la fortune de donner son nom, qui n’a réussi qu’à la faible majorité d’une voix, en détachant un certain nombre de membres du centre droit alliés avec le centre gauche et la gauche dans ce premier succès. Ce que M. Laboulaye n’avait pu obtenir deux jours auparavant en proposant nettement et directement l’institution de la république, M. Wallon l’obtenait sous une forme plus adoucie ou un peu plus indirecte.

Quel était donc le caractère de cette proposition Wallon ? Elle avait le mérite de venir à propos, de calmer quelques scrupules, en résumant les seules choses possibles à l’heure où nous sommes. Puisqu’on ne pouvait pas rétablir la monarchie pour faire plaisir aux légitimistes, puisqu’on ne voulait pas sûrement de l’empire, dont les bonapartistes rêvent encore la restauration, puisqu’enfin on sentait le danger de laisser la carrière ouverte à toutes les agitations, à toutes les compétitions, quel autre moyen restait-il que de consacrer ce qui existe en le fortifiant par des institutions coordonnées et précises ? La proposition Wallon ne faisait en définitive rien de plus. Elle n’innovait pas, elle fixait et régularisait une situation. C’était toujours la république sans doute, mais la république avec deux chambres, avec le droit de dissolution pour le président, avec une transmission d’autorité assurée à tout événement ; c’était la république organisée et contenue, toujours adaptée au pouvoir conféré pour sept ans à M. le maréchal de Mac-Mahon, et subordonnée, par la possibilité de la révision, au droit souverain du pays à l’expiration de la présidence septennale. Une voix, une voix unique de majorité, sanctionnant le principe de ces combinaisons, la victoire était certes modeste, péniblement conquise, et encore a-t-elle failli être mise en péril presque aussitôt par une motion imprudente d’un membre du centre gauche proposant de restreindre le droit de dissolution à M. le maréchal de Mac-Mahon seul, sans accorder ce droit aux autres