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commande pas de les abaisser au-dessous du taux que peut supporter le travail national, tant pour le développement de la circulation intérieure qu’au point de vue de la concurrence étrangère. Il ne faut donc point admettre comme une objection sérieuse la crainte d’une diminution possible du revenu des chemins de fer par suite d’une réduction excessive des tarifs lorsque le réseau français fera complètement retour à l’état.

S’il est vrai, comme j’espère l’avoir démontré, que l’avenir réserve à la France des ressources considérables, il m’est permis d’exposer avec confiance un projet financier dont le but est de dégrever le présent, si lourdement chargé, et de rejeter une légère partie du fardeau sur cet avenir, qui, au terme des concessions, se trouvera jouir de richesses dont il est possible d’apprécier dès aujourd’hui toute la valeur.

Ce projet consiste, d’une part dans la suppression, au budget des dépenses, des 200 millions affectés annuellement au remboursement de la Banque, — d’autre part dans le remboursement, à leur échéance, des avances de la Banque et de l’emprunt 6 pour 100, dit emprunt Morgan, au moyen d’un emprunt de 1 milliard de francs.


II

La guerre et les malheurs qui l’ont suivie ont révélé à la France l’importance de ses épargnes. On a vu, avec un étonnement mêlé d’admiration, la facilité avec laquelle le pays a supporté des charges qui semblaient devoir l’accabler ; on a vu, contrairement aux prévisions des meilleurs esprits, les billets de banque émis jusqu’à concurrence de 3 milliards, avec cours forcé, se maintenir au pair, et l’or jouir d’une prime inférieure à celle des temps ordinaires, pour tomber bientôt au pair. Les conséquences naturelles d’une pareille situation n’ont pas tardé à se produire ; le crédit public s’est relevé, le 5 pour 100 a atteint le pair, il vient de le dépasser.

Cependant le budget n’était pas en équilibre, et une lutte oratoire, digne de l’assemblée nationale, s’est engagée entre le ministre des finances et le rapporteur de la commission du budget. M. Magne a défendu avec une grande énergie et un talent incontestable le respect des contrats et l’équilibre budgétaire par l’impôt. M. Wolowski de son côté a soutenu avec une grande conviction que, devant le refus de la chambre d’adopter la surélévation, très modérée pourtant, de l’impôt du sel ou de certaines contributions indirectes, il convenait de retarder de quinze à dix-huit mois le