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graves intérêts. On parle cependant de les augmenter encore ! Le système que je propose aurait pour effet de les diminuer.


I

La nue propriété des chemins de fer est une valeur réelle, effective. Elle est consacrée par les contrats synallagmatiques qui régissent les concessions. Elle est inscrite déjà dans les comptes de l’état, aux termes de la loi du 11 juillet 1866. À l’expiration de délais que chaque année, chaque jour rapproche de nous, l’état, dès aujourd’hui nu-propriétaire, aura la jouissance complète des chemins de fer, et recueillera, sous une forme ou sous une autre, les fruits de l’exploitation. Ce premier point est incontestable.

Peut-on calculer la valeur de cette propriété ? C’est le second point. J’ai présenté une évaluation en 1860 avec tous les chiffres à l’appui. J’estimais alors qu’en 1959, époque la plus éloignée de la reprise des chemins de fer par l’état, on obtiendrait un produit brut annuel de 750 millions et un produit net de 450 millions. Ce calcul était basé sur des appréciations très modérées. Le produit brut des chemins de fer, tel qu’il résulte du dernier bulletin officiel qui ait été publié, s’est élevé, pour l’année 1873, à plus de 800 millions de francs (801,858,731 fr.). Or on sait qu’au moment où l’état entrera en jouissance, les obligations et les actions seront éteintes, de sorte que le produit brut ne sera réduit que des frais d’exploitation.

Est-il à craindre que les recettes diminuent dans l’avenir, c’est-à-dire que les chemins de fer, à l’expiration des concessions, produisent moins qu’ils ne rapportent aujourd’hui ? Cette appréhension n’est point fondée ; tout au contraire, l’expérience prouve que chaque jour les besoins de locomotion entrent de plus en plus dans les habitudes des populations, et que chaque jour se créent de nouveaux élémens de transport. Il faut en outre tenir compte de l’extension certaine du réseau, et l’on resterait de beaucoup au-dessous de la vérité en estimant à 1,200 millions, soit une augmentation de 50 pour 100, le produit brut du réseau entier, tel qu’il sera constitué en 1959. Si l’on évalue les frais d’exploitation à 50 pour 100 des recettes (moyenne entre 40 et 60 pour 100), c’est un revenu net de 600 millions dont l’état entrera en jouissance à cette époque[1].

  1. Nous négligeons dans l’appréciation de ce revenu : 1° la disparition ou tout au moins l’atténuation des charges actuelles pour garanties d’intérêt que l’état paie aux compagnies, 2° les chances de remboursement de ces avances, 3° les conditions du partage des revenus au-delà d’un certain chiffre selon les clauses des actes de concessions : trois éventualités favorables qui doivent se réaliser, en tout ou en partie, avec le retour de la prospérité publique.