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profite. On aurait tort pourtant si l’on reprochait au corps des ponts et chaussées de préférer en cette circonstance des expédiens d’une efficacité médiocre, mais connue, à une solution théorique plus complète. Les travaux publics ne sont pas des œuvres d’art faites pour la satisfaction de l’esprit ou du goût ; il convient avant tout de les proportionner aux besoins du moment aussi bien qu’aux ressources du budget. Tant d’entreprises utiles sollicitent le concours de l’état, que bien des années sans doute se passeront encore avant que l’on essaie d’aménager goutte à goutte les milliards de mètres cubes d’eau que la pluie déverse en chacun de nos bassins fluviaux.

On a vu d’abord de quelle façon s’améliorent les rivières, puis de quelle utilité elles sont pour l’agriculture et les usines riveraines lorsque la navigation n’en réclame pas l’usage exclusif. Les rivières servent encore à bien d’autres usagés ; elles alimentent d’eau potable les habitans des vallées ; au-dessous des grandes villes, elles deviennent souvent et bien à tort l’exutoire des détritus que produit la vie domestique. C’est un devoir pour les pouvoirs publics de maintenir la balance entre les industries rivales qui s’en disputent la jouissance, de veiller à ce que personne n’empiète sur les droits de tout le monde. Aux États-Unis, où les chemins de fer ont acquis une si prodigieuse extension qu’ils semblent répondre à tous les besoins de locomotion, les législatures d’état ne permettent pas à une compagnie d’établir un pont sans prescrire que le tablier en sera assez élevé, les piles assez espacées pour que la batellerie n’éprouve aucune entrave. Dans un pays comme le nôtre, où la population est très dense, les cours d’eau méritent encore plus d’être protégés. Le plus grand service qu’ils puissent rendre, c’est de porter bateaux, quoi qu’on ait dit ou pensé de la navigation intérieure depuis que les voies ferrées traversent notre territoire en tous les sens. En parcourant l’un après l’autre chacun des bassins fluviaux de la France, on s’étonnera peut-être qu’il reste si peu à faire pour y rendre prospère la batellerie et la mettre en état de marcher de front avec les chemins de fer.


H. BLERZY.