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régime du fleuve d’un bout à l’autre de son cours, et qu’elles soient sujettes à se rompre au moment où l’on en aurait le plus besoin, comme on l’a vu lors des catastrophes de 1856 et de 1866.

Mais enfin, dira-t-on, si les levées de la Loire n’existaient pas, si l’on ne voulait pas non plus recourir au vaste système de réservoirs dont il vient d’être question, l’art des ingénieurs ne fournirait-il aucun remède contre les inondations qui ravagent tout sur leur passage ? La réponse varie suivant les circonstances. S’agit-il d’une ville où de grandes richesses sont accumulées sur un petit espace, on a recours à l’endiguement, qui s’opère par des quais en maçonnerie bien assis sur des fondations solides ; les digues doivent alors, à moins de difficultés extrêmes d’exécution, être insubmersibles, ce qui signifie qu’elles doivent être plus hautes que le niveau des plus hautes eaux connues. C’est ainsi que sont protégés les quartiers bas de Paris, de Lyon, de Grenoble, d’autres villes encore. Le défaut d’une pareille entreprise est de coûter fort cher et de rétrécir le lit du fleuve, déjà trop étroit. L’importance des intérêts à garantir justifie cette dérogation aux lois de l’hydraulique. S’agit-il au contraire d’une plaine dont l’inondation détruira peut-être une année les récoltes, mais en y abandonnant un limon fertile, qu’on laisse l’eau des crues s’y répandre à volonté, ainsi que le font de temps immémorial les riverains du Nil. Tout au plus est-il utile de dresser des digues transversales à partir des berges naturelles du fleuve, afin d’empêcher les tourbillons et d’affaiblir les courans ; l’eau, redevenue calme entre ces digues, dépose les matières fertilisantes qu’elle tient en suspension. Ce n’est pas tout, il faut, par mesure de sécurité publique, empêcher de construire des maisons dans la zone que les crues envahissent, et, si cette zone a trop de largeur ; on peut encore la limiter à bonne distance des rives par une digue longitudinale qui n’a plus alors qu’une médiocre hauteur et qu’il est facile de rendre résistante. Le flot, libre de s’épancher dans un vaste lit, ne produit plus que des dégâts insignifians, compensés par de meilleures récoltes pendant les années suivantes. Le cultivateur ne connaît-il pas d’autres fléaux, la gelée et la grêle par exemple, qui sont tout aussi fréquens et dont les conséquences se font parfois sentir d’une année à l’autre ?

Tel est le programme de défense contre les inondations que préconisent aujourd’hui la plupart des ingénieurs. On lui reproche avec raison d’être inapplicable à la Loire dans l’état où les générations précédentes l’ont mise. Il a de plus le défaut de ne pas aménager les eaux, ce que ferait si bien un système de réservoirs. Les crues continuent de descendre à la mer sans que personne en