Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/924

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Siphon, dont le débit était trop restreint, et qui n’aurait permis en tout cas que d’enlever la couche superficielle. On eut alors l’idée d’ouvrir dans le flanc du coteau un tunnel dans le granit, à 25 mètres en contre-bas du niveau ordinaire de l’eau. Lorsqu’il n’y eut plus qu’une faible épaisseur de roc vif au fond de la galerie, des tuyaux pourvus de robinets y furent scellés dans un mur en maçonnerie, puis l’ouverture du tunnel fut achevée du côté du lac au moyen d’un fourneau de mine ; maintenant on soutire en quelque sorte les eaux de ce vaste réservoir suivant les besoins des ruisseaux qui sont au-dessous dans la plaine. Ce beau travail, aussi bien conçu que prudemment exécuté, méritait une mention spéciale. Il est à peine besoin de dire qu’il n’y a pas à craindre d’épuiser le lac, puisque la neige et la pluie lui restituent chaque hiver l’eau que les tuyaux lui enlèvent pendant la saison sèche.

Ces divers exemples montrent assez comment on peut aménager les eaux pluviales, transformer en ruisseau tranquille un courant torrentiel, remédier à la pénurie d’un été trop sec, quelquefois même préserver une vallée du fléau des inondations. Cependant il n’existe jusqu’à présent que peu de travaux de ce genre. C’est qu’il y faut une grande dépense et que le budget de l’état n’y aide que rarement, n’y trouvant qu’un intérêt indirect. Ces entreprises profitent surtout aux localités du voisinage, aux propriétaires riverains du cours d’eau qu’il s’agit d’améliorer ; elles devraient être conduites par des syndicats, subventionnées par ceux qui en auront le bénéfice immédiat. Par malheur, l’esprit d’association n’existe guère chez les propriétaires terriens, et c’est regrettable, car ces grandes améliorations, qui doubleraient la valeur d’un pays, ne peuvent être une œuvre individuelle.

Il est telle circonstance toutefois où ce système d’aménagement des eaux acquerrait un caractère d’utilité générale, par exemple si l’on arrivait par ce moyen à régler l’écoulement de la Loire au point que les inondations ne fussent plus possibles. Ceci vaut la peine d’être étudié de près, car plusieurs personnes, après la grande crue de 1856, ont prétendu que c’était le vrai remède contre le retour d’un si grand fléau. Que se passe-t-il sur les cours d’eau que la nature a dotés de barrages et de réservoirs d’une vaste superficie ? Le lac de Genève intercepte, éteint en quelque sorte, les crues du Rhône supérieur ; les plaises de l’Alsace et du Palatinat n’ont rien à craindre des débordemens du Rhin, grâce au lac de Constance ; les lacs de la Haute-Italie jouent le même rôle pour l’Adige et pour le Pô ; de toutes les rivières que les Alpes alimentent, les seules redoutables sont, comme la Durance et l’Isère, celles que la Providence n’a pas pourvues d’un régulateur naturel. Ne peut-on y