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chaussées. On peut y emmagasiner un volume de 1,200,000 mètres cubes qui se renouvelle deux fors par an à l’époque des grandes pluies. Au-dessus de cette retenue permanente reste un vide de 400,000 mètres cubes où se logeraient facilement les eaux d’un orage pareil à celui de 1849. Le difficile en un tel ouvrage est de faire un mur dont la solidité soit à toute épreuve, car on imagine sans peine quels désastres produirait une rupture[1]. On en eut l’exemple à Lorca, dans la province de Murcie, en 1802. Un barrage aussi élevé que celui du Furens, et que l’on avait eu l’imprudence de fonder sur pilotis, étant venu à s’écrouler, il se produisit une avalanche qui noya 608 personnes et détruisit 809 maisons, sans parler des pertes en bestiaux et en récoltes.

Il est clair que les lacs artificiels de ce genre ne se peuvent créer en tous pays. Dans une contrée fertile, où la population est dense, le terrain coûte trop cher, et d’ailleurs, comme le niveau de l’eau s’élève et s’abaisse tour à tour, ce serait une cause d’insalubrité. En outre le sol doit être imperméable, sans quoi l’eau retenue derrière le barrage se perdrait par des infiltrations souterraines. Mais dans les montagnes où se placent ces réservoirs il existe Quelquefois des lacs naturels ; ne pourrait-on les faire servir au même usage ? Ainsi le versant occidental des Pyrénées contient plus de trois cents lacs, dont le trop-plein alimente les rivières de la plaine, l’Ariège, la Garonne, la Neste, l’Adour, le Gave de Pau ; or toutes ces rivières ont un régime irrégulier dont on se plaint. Ce n’est pas que l’on prétende les rendre jamais navigables, car elles ont trop de pente et s’affaiblissent trop en étiage ; la région pyrénéenne ne possède pas au surplus les industries auxquelles les voies de transports économiques sont indispensables, tandis que les irrigations y sont plus nécessaires que partout ailleurs. C’est par conséquent au profit de l’agriculture et des usines hydrauliques que l’amélioration de ces cours d’eau devait être exécutée.

Au pied des coteaux coule un bras de l’Adour, connu sous le nom de canal Alaric, qui, sur 65 kilomètres de long, fait tourner trente-quatre moulins en même temps qu’il arrose 1, 600 hectares de prairies. Au moment où les irrigations seraient le plus utiles, le débit d’étiage se réduit presqu’à rien. Dans le haut des montagnes, à 2,000 mètres d’altitude, se trouve le Lac-Bleu, d’une superficie de 74 hectares avec une profondeur considérable. Il était assez embarrassant, il est vrai, d’en faire sortir les eaux. On essaya d’un

  1. Non-seulement le mur du Furens est fondé sur un roc inébranlable, mais de plus il présente sur chaque face une inclinaison savamment calculée en sorte d’avoir une résistance plus que suffisante avec aussi peu d’épaisseur que possible. C’est un type nouveau que l’on a déjà imité ailleurs.