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genre qui ont été faites en ces dernières années sur la Seine des deux côtés de Paris, sur la Saône, sur l’Yonne et sur d’autres rivières encore. Disons seulement que les organes essentiels sont des chevalets ou fermettes en fer qui supportent les poutres et les aiguilles ; lorsqu’une crue survient, le gardien du barrage enlève à la main les pièces de bois, il renverse les chevalets sur le fond de la rivière, de sorte que rien ne s’oppose plus au libre passage de l’eau. La crue passée, le tout se remet en place sans beaucoup de travail.

Cependant le barrage de M. Poirée a certains défauts lorsque la chute devient considérable. Les manœuvres sont pénibles, parfois dangereuses ; la fermeture n’est pas assez étanche. Un peu avant lui, M. Thénard avait installé sur l’Isle des barrages mobiles d’un autre modèle. Sur cette rivière, qui était, avant la construction des chemins de fer, le seul débouché économique du département de la Dordogne et de son chef-lieu, l’on avait établi sous Louis XV et à des époques plus récentes des barrages fixes d’une hauteur insuffisante pour assurer la navigation en étiage et qui produisaient néanmoins des inondations au moment des crues, par suite infligeaient des dommages graves aux propriétés riveraines. comme débit, l’Isle peut être comparée à l’Yonne ; elle a seulement moins de largeur et par conséquent plus de pente. M. Thénard eut l’idée de dresser sur les barrages, après en avoir abaissé la crête, des trappes à charnières qu’un arc-boutant soutenait vers l’aval. On relevait ou l’on abaissait ces trappes selon qu’il fallait retenir l’eau ou lui rendre son libre écoulement. Cette fois encore, l’essai réussit ; l’invention de M. Thénard fut exécutée plus en grand par M. Chanoine au barrage de Courbeton, auprès de Montereau. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le barrage à hausses mobiles, qui, perfectionné et modifié suivant les circonstances, a reçu de nombreuses applications et a fait la réputation méritée de M. Chanoine.

Une description plus complète exigerait trop de détails techniques ; aussi n’est-il possible que d’énumérer ici les ingénieux travaux de M. Desfontaines, de MM. Krantz, Caro et Cuvinot, qui, par diverses améliorations, ont voulu rendre ces engins plus parfaits ou bien ont tenté de les rendre automobiles, c’est-à-dire de les disposer de telle sorte qu’ils fonctionnassent d’eux-mêmes sous la pression de l’eau sans l’intervention de la main-d’œuvre humaine. Le point important à retenir est que les ingénieurs d’aujourd’hui savent barrer un fleuve et lui rendre son libre cours pour ainsi dire à volonté, — non pas que leur puissance soit illimitée sous ce rapport : ils n’ont pas encore osé traiter le Rhône par cette méthode ; mais sur la Seine l’entreprise est couronnée d’un succès complet. Voyons quels en ont été les résultats pour la navigation.