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en trop grande quantité. Cette opération se fait aussi avec une houe légère attelée de deux bœufs ; quelquefois on combine les deux procédés. Le champ est ensuite livré à lui-même jusqu’à ce que le fruit ait atteint sa maturité ; mais souvent, pour épargner la main-d’œuvre, on attend que la plus grande partie des balles se soient épanouies. Par suite de ce retard, la laine se trouve souillée de poussière, de feuilles sèches, et le coton passe à cet état d’impureté qui lui est vivement reproché par le consommateur de l’Europe. Les pluies qui souvent tombent à la fin de la saison d’hiver contribuent aussi à décolorer et à flétrir le coton au détriment de la qualité.

On voit par ces détails que l’Indien ne se contente pas de gratter légèrement la terre, d’y déposer ses semences, laissant à la nature le soin de mener sa récolte à bonne fin. Le fermier de l’Oude, de Bombay, du Bengale et de l’Inde centrale possède son métier à un haut degré, et, ainsi que l’ont prouvé les insuccès du système de culture exclusivement américain, il faut tenir grand compte de ses pratiques et de son expérience pour exploiter avec succès les champs de coton de l’Inde.

Le problème de l’introduction des espèces américaines dans l’agriculture indienne était résolu, mais la question du développement de la production du coton contenait encore d’autres élémens qu’on ne pouvait négliger. Jusqu’au jour où la guerre des États-Unis menaça d’une suspension immédiate de travaux, de famine, suivant la locution énergique du temps, les grands établissemens de l’Europe voués à la filature ou au tissage du coton, le marché pour le produit indien fut toujours incertain et les prix peu rémunérateurs. La demande de la Chine, un des deux grands débouchés des cotons de l’Inde, ne dépasse jamais certaines limites. Les besoins de l’Angleterre au contraire variaient suivant la récolte aux États-Unis. Une mauvaise récolte par-delà l’Atlantique, et les cotons indiens, disputés dans les entrepôts, disparaissaient rapidement ; l’année suivante, une récolte favorable à la Nouvelle-Orléans suffisait pour replonger les cotons indiens dans le marasme au plus grand détriment des fermiers, qui avaient augmenté leur production dans l’espoir que le marché de l’Angleterre leur était acquis désormais. Ajoutons que l’état d’impureté presque général des cotons indiens, humides, mélangés de feuilles sèches, même de sable, expliquait suffisamment cette inégalité de l’exportation pour l’Europe, où le textile asiatique n’était accepté que comme un pis-aller, à défaut des produits plus raffinés des États-Unis du sud. Grâce aux nombreux, intermédiaires auxquels le commerce du coton devait avoir recours, à l’insuffisance des voies de communication, l’article n’ar-