Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/894

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plante nouvelle, et bientôt le goût de la boisson qui réjouit sans enivrer se propagea en Chine.

La culture industrielle dans l’Inde de l’arbuste à thé est d’origine récente, et remonte à moins de cinquante ans. La première guerre contre les Birmans donna aux Anglais la possession des territoires d’Assam en 1826, et peu de temps après l’on découvrit dans la nouvelle conquête de nombreux plants de thé. Ces arbustes avaient-ils poussé à l’état sauvage, ou remontaient-ils à une ère de civilisation antérieure dont on retrouve les débris incontestables dans la vallée du Brahmapoutra ? Quoi qu’il en soit, la découverte ne passa pas inaperçue, et une mission envoyée par le gouverneur-général, lord Bentinck, en 1834, reconnut que l’arbre à thé était indigène dans le Haut-Assam, et que ses feuilles pouvaient être utilisées dans le commerce. Le gouvernement fit immédiatement venir des ouvriers et des semences de la Chine, et en 1839 huit caisses de thé d’Assam furent vendues sur le marché de Londres. Ce premier succès attira l’attention des spéculateurs, et une compagnie formée sous les auspices de Babou Dwarkanaught Tagore, dont le nom se trouve honorablement associé à tous les progrès industriels et agricoles de l’Inde pendant la première moitié du siècle, acheta toutes les plantations de thé du gouvernement. Les débuts de l’Assam Tea Company ne furent pas heureux, mais une administration nouvelle rétablit l’ordre et l’économie dans les affaires, et sa prospérité excita bientôt sur les marchés de Londres et de Calcutta une véritable fièvre de thé. Les demandes de concession de terrains se multiplièrent, et les compagnies sortirent de dessous terre. Des spéculations hasardées ou malhonnêtes amenèrent de complètes déconfitures et une diminution temporaire dans la production, jusqu’à ce que les entreprises mal conçues eussent disparu et que les compagnies sérieuses pussent reprendre place dans la confiance des actionnaires. L’Assam n’est pas la seule partie du territoire indien propre à la culture du thé ; la plante se retrouve à l’état sauvage dans la province voisine de Cachar, et aussi dans les districts montagneux du premier versant de l’Himalaya, — provinces du nord-ouest et Pendjab. Le gouvernement de lord Dalhousie, désireux de répandre la culture du thé au nord comme à l’ouest, organisa des plantations à Kumaon et à Dehra-Doon, et il y a seize ans nous avons visité ces intéressans jardins, alors dans toute leur nouveauté. En 1864, les établissemens de l’Himalaya ont été vendus à des compagnies, et, sagement administrés, ils feront un jour concurrence à leurs rivaux de l’Assam et de Cachar. En 1872, on a exporté environ 7 millions de kilogrammes de thé, représentant 36 millions de francs. Faisons remarquer toutefois que ces chiffres sont