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à celui du marché. La sagesse de cette disposition s’est clairement manifestée depuis 1869, et dans le dernier exercice (1872-73) le bénéfice qu’elle a procuré au trésor public s’est élevé à 7 millions de francs. Au 30 décembre 1871, les avances de l’état pour garantie d’intérêts aux compagnies atteignaient environ 500 millions de francs. Considérable comme l’est cette somme, on peut cependant affirmer que jamais dette plus honorable, plus utile, n’a figuré au budget de l’Inde.

En retour de l’appui qu’il prêtait aux compagnies, le gouvernement se réserva le droit de s’immiscer dans leurs travaux ; sa sanction est nécessaire à toute dépense d’établissement ou d’exploitation. Les comptes généraux sont révisés par ses contrôleurs, les compagnies n’exercent des droits suprêmes que sur leurs employés, qu’elles peuvent admettre ou remercier à leur gré, mais dont on fixe les salaires et les fonctions d’accord avec le gouvernement.

Les compagnies représentées en Angleterre par des conseils d’administration sont soumises au contrôle d’un agent général (government’s director) qui a son siège dans tous les comités et un droit de veto sur leurs décisions. Dans l’Inde, un agent délégué par chaque compagnie dirige le personnel et les affaires de l’exploitation sous la surveillance d’un ingénieur consultant (consulling engineer), fonctionnaire qui sert d’intermédiaire entre les compagnies et l’état. On voit qu’en théorie le gouvernement exerce une autorité absolue sur les chemins de fer indiens, mais dans la pratique le contrôle s’évanouit. En Angleterre, un agent unique ne saurait suffire aux affaires de huit grandes compagnies ; dans l’Inde, l’officier consultant doit se borner à surveiller seulement les travaux de sa ligne, et son action ne va pas plus loin. Il suit de là que dans certaines compagnies les dépenses ont beaucoup excédé les devis, et que dans d’autres les travaux ont été exécutés avec une regrettable parcimonie. De plus le stimulant qui excite au plus haut degré d’ordinaire l’énergie et la surveillance des directeurs de compagnie et de leurs agens, le désir d’arriver à un excédant de recettes sur les dépenses qui permette de distribuer un dividende aux actionnaires, n’existe pas dans les états-majors des lignes anglo-indiennes. Sans inquiétude de ce côté, quel que soit le résultat de l’exercice, les états-majors n’apportent pas dans leur administration l’ardeur des affaires et des économies. L’intervention du gouvernement a rencontré aussi de grandes difficultés dans les questions d’exploitation où les intérêts du public qu’il représente se trouvent en opposition directe avec ceux des compagnies. Si ces dernières ne cherchent qu’à obtenir le maximum de profit avec le minimum de trafic, la communauté demande au contraire d’ar-