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Dehli, pourvus des redoutables engins de la science moderne, permettraient à de faibles garnisons de défier pendant longtemps les efforts des populations natives. Les défenses des grands ports de l’Inde ont été poussées avec moins d’activité, et ne sont pas encore sorties des portefeuilles des commissions d’enquête.

L’autre chapitre des anciens travaux publics de l’Inde, celui des irrigations, n’a pas été traité avec moins de magnificence, et nous constaterons volontiers que, depuis le transfert à la couronne des domaines de la compagnie, les autorités européennes se sont efforcées, avec une ardeur qui les honore, de remplir une mission providentielle. En effet, le fléau des famines, que la civilisation a éloigné presqu’à jamais de l’Europe moderne, n’a pas disparu de l’Inde, et dans les années de sécheresse on y voit, des populations entières disparaître sous les atteintes de la faim et des maladies pestilentielles qui lui servent de cortège.

Pour donner au lecteur une idée des horreurs d’une famine dans l’Inde, il suffira de citer quelques détails que nous empruntons aux dépositions faites devant le comité d’enquête sur la famine du Bengale et la province d’Orissa en 1866 par le juge Wanchope et le révérend M. Miller. « J’arrivai, dit M. Wanchope, à Midnapore le 26 mars 1866, et remarquai aux environs de la ville des natifs amaigris et affamés qui ramassaient des fruits sauvages, et semblaient n’avoir d’autre nourriture que celle qu’ils pouvaient trouver çà et là. Je ne restai que trois semaines à la station, et m’occupai peu de ce qui s’y passait. J’eus à juger de nombreux cas de vol avec effraction, qui avaient été évidemment commis par des gens mourant de faim. La session finie, je revins à Hougly, et ne repartis qu’à la fin de mai pour la province désolée par la famine. À vingt milles au-delà de Midnapore, les signes caractéristiques d’une famine commencèrent à frapper mes yeux. Les villages semblaient presque déserts ; hommes, femmes, enfans, n’étaient que des squelettes. Ces horreurs augmentèrent sur toute la route de Dantoun à Balasore. Jamais mes yeux n’avaient vu pareilles scènes ; toutes les figures portaient l’empreinte du désespoir. Impossible de me rappeler où je rencontrai les premiers morts. À Balasore se trouvaient environ 3,000 affamés, nourris à la dhurmsala (mai-

    rendre les honneurs divins, il leur fit appliquer par ses serviteurs quelque flagellations bien senties, espérant les ramener à la raison. Les étrivières ne profitèrent pas, bien au contraire. Les dévots, battus et contens, déclarèrent à l’envi que l’impureté de leur vie justifiait les rigueurs du maître, qui, en dernier ressort, n’échappa que par la fuite à leurs importunités. Lorsque la nouvelle de la mort glorieuse de Nicholson à l’assaut de Dehli arriva à la confrérie, un des frères déclara qu’il ne pouvait plus vivre dans un monde privé de sa lumière, et se coupa la gorge. Un autre suivit cet exemple. Un troisième se convertit au christianisme par fidélité à la mémoire de son patron.