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la construction des routes, dépassait en 1867-1868 7 millions sterling, savoir :


Travaux militaires (nouvelles casernes, etc.) 2, 856,000 liv. st.
Bâtimens civils 1,144,240
Travaux publics proprement dits. Routes 1, 358,640
Irrigations 1,136,280
Travaux divers 218,640
Subsides aux chemins de fer 502, 500
Total 7,116,300 liv. st.

On voit par ces chiffres qu’un singulier caprice de la fortune appelait la nouvelle administration civile à régénérer les bâtimens militaires de la compagnie. L’insurrection des cipayes avait conduit à augmenter dans de fortes proportions l’armée européenne de l’Inde. Les casernes manquaient pour loger ces nouveaux hôtes, et non-seulement cela, les anciennes casernes construites sous la compagnie étaient tristement célèbres pour leur insalubrité ; de plus on a souvent eu occasion de constater que les Anglais, avec une aveugle confiance, s’étaient bornés à entretenir à peu près dans l’Inde les vieilles fortifications des indigènes sans élever d’autres remparts à leur autorité. Cet état de choses attira dès le début l’attention des représentans de la couronne, et un crédit de 11 millions, réparti sur plusieurs exercices, fut attribué à la construction de nouveaux bâtimens militaires, à l’amélioration des anciens et à la création des ouvrages nécessaires pour assurer la défense des grands centres et des ports principaux. Aujourd’hui la plupart des casernes de l’Inde présentent les conditions d’espace et de ventilation indispensables à la santé de l’Européen sous un climat délétère, et, si des épidémies déciment encore des régimens, il ne faut plus l’attribuer à l’incurie et à la parcimonie du gouvernement. Ajoutons encore que Allahabad, Lucknow, le fort Nicholson[1], à

  1. Puisque le nom de l’illustre soldat mort à l’assaut de Delhi est venu sous notre plume, le lecteur nous permettra de raconter à son sujet une anecdote caractéristique de l’esprit et des mœurs des hommes de l’Inde. Le général Nicholson avait longtemps exercé d’importans commandemens sur les frontières les plus exposées, et partout il avait conquis une influence sans bornes sur les populations natives. Lorsqu’il quitta le commandement de la province d’Hazara, il s’organisa une confrérie religieuse qui se voua au culte de Nicholson, comme les Sikhs à celui de Nanak. Les adeptes adoptèrent le nom de Nikkul-Seynes, portèrent des vêtemens couleur saumon, et pour signe distinctif des chapeaux de feutre noir. Le culte consistait dans le chant d’hymnes variés avec ce refrain : gourou-Nikkul-Seynes. Les nouveaux croyons vivaient pacifiquement dans leur communauté lorsqu’en 1854 Nicholson, en route pour le Cachemire, s’arrêta à quelque distance du couvent. Une députation fut immédiatement dirigée vers le saint patron, et, admise près de lui, se précipita sans autre préambule à ses pieds en chantant ses louanges. Nicholson se refusa d’abord modestement à ces cérémonies ; mais, sa parole n’ayant pas suffi, et les brebis égarées persistant à lui