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cheveux, tressés aussi, mais relevés à l’antique, et qui flottaient en arrière d’elles, tels que les chants d’Homère nous représentent leurs ancêtres. Un de leurs plus anciens usages, toujours respecté, voulait que les jeunes gens, au jour de leur mariage, allassent frapper trois fois à la porte de leur fiancée, puis qu’ils revinssent l’enlever de vive force, après quoi, le prêtre les ayant unis, leurs parens formaient en dansant un cercle autour des deux époux, comme pour resserrer leur union et la rendre indissoluble. »

Quelle que soit la grâce de ces paysages, il faut retourner au feu. Masséna commande l’expédition ; trois colonnes, l’une commandée par le général en chef assisté de Joseph Bonaparte, l’autre par Régnier, la troisième par Lecchi, ont balayé les soldats de la reine Caroline, qui a cherché un refuge en Sicile ; il n’y a qu’un point où les partisans de la reine puissent disputer le royaume de Naples à l’armée de Masséna, c’est Gaëte. Gaëte est la clé de Naples. Exposé aux attaques des Anglais sur une longue ligne de côtes, le nouveau roi, eût-il possédé tout le reste, n’eût rien possédé, s’il eût laissé cette porte ouverte à l’ennemi. Masséna le sentait bien, il voulut donc frapper ce grand coup malgré les difficultés de l’entreprise. Gaëte avait une garnison de 8,000 hommes secondés par une escadre de quatre vaisseaux, de quatre frégates anglaises et de trente chaloupes canonnières. Ses remparts, appuyés sur le roc, étaient défendus par des pointeurs consommés, bombardiers anglais et tirailleurs albanais. Comme ils étaient ravitaillés sans cesse par la mer, ils n’épargnaient pas leurs munitions ; Ségur affirme que, depuis l’ouverture de la tranchée, sans compter la mitraille et les pots à feu, ils envoyèrent aux assiégeans plus de 130,000 boulets et bombes. Malheur à qui montrait la tête une seconde seulement au-dessus des sacs à terre qui couvraient la tranchée ! Vingt balles albanaises venaient le frapper ou l’avertir. Enfin, après cinq mois de blocus, quatre mois de tranchée ouverte, onze jours de feu, et au prix de 2,000 hommes tués ou blessés, Masséna fut vainqueur. Le 18 juillet 1806, les deux brèches étant praticables et l’assaut commandé, Gaëte capitula.

L’histoire ne parle guère du siège de Gaëte ; tout cela se passait en dehors de l’action éblouissante du maître. Il y avait eu d’ailleurs des maladresses au début, et le succès arrivait trop tard ; on avait vu, en six semaines, de Strasbourg à Austerlitz, de si foudroyantes victoires ! Cependant, si l’on considère la position de la forteresse, la vigueur de la résistance, l’héroïsme et la ténacité des assiégeans, on ne peut s’empêcher de dire avec Ségur : Ce siège doit rester célèbre. On ne l’oubliera pas, j’en réponds, après en avoir lu le récit dans les Mémoires de Ségur, on ne l’oubliera pas surtout quand on aura vu cette grande opération de guerre jugée par Napoléon avec