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à la police, qui, ne sachant qu’en faire, les conduisit au logis des News-boys. Si ces enfans eussent voulu rester, l’établissement les eût pris à sa charge et les eût envoyés dans une ferme de l’ouest. Ces deux gars vigoureux, qui n’avaient pas plus de quatorze à quinze ans, paraissaient bien en avoir vingt. Le voyage en mer avait encore ragaillardi leur mine. Pris d’une sorte de mal du pays, honteux de leur escapade, ils demandèrent à retourner chez leurs parens, et on les renvoya chez eux par un de ces nombreux steamers qui d’Amérique vont en Angleterre.

Tous les lodgings sont montés sur le même pied que celui de Chambers-street, mais sont moins spacieux. Celui-ci est véritablement un logis modèle, et il est surtout consacré aux petits vendeurs de journaux. Les autres logis créés par la Société protectrice sont aujourd’hui au nombre de quatre, dont l’un est spécialement réservé aux petites filles ; ils sont tous établis dans les plus pauvres quartiers, comme celui des News-boys. Dans tous ces établissemens, on ne reçoit que les enfans qui n’ont pas de domicile. C’est une règle stricte de la maison ; un écriteau en vue le rappelle. Chaque enfant donne en entrant son nom, son âge, sa nationalité, sa profession, son état de famille, et dit s’il sait lire et écrire. On marque tout cela sur un registre, qui permet de dresser plus tard des statistiques curieuses, parfois navrantes : quelques enfans ne savent pas où ils sont nés et n’ont jamais connu leurs parens.

Le logis de Rivington-street, où est aussi une école de jour, doit être cité à côté de celui des News-boys ; nous l’avons également visité en compagnie de M. Brace. Il est situé dans un des quartiers les plus populeux du 13e ward. Petites filles et petits garçons, tous misérablement vêtus, s’y trouvaient réunis dans une salle commune, comme c’est la règle dans les écoles américaines. Nous arrivâmes à l’aventure au milieu de cette nichée d’enfans. Suivant l’usage, notre introducteur nous présenta à la jeune assemblée, puis la maîtresse s’assit au piano et tout ce monde se mit à chanter, mais sans beaucoup d’entrain et de cette voix aiguë, nasillarde, particulière à la race anglaise. Bien que plus d’une fausse note vînt détruire l’harmonie de ce concert improvisé, on ne pouvait qu’applaudir à tant de bonne volonté. Le surveillant de l’établissement, M. Calder, est grand amateur de jardins ; il nous fit voir la serre qu’il a établie sur un étroit espace derrière la maison qu’il occupe. Il y cultive avec passion des plantes curieuses et odorantes ; il en embellit cette humble demeure. Ce ne sont que bouquets de fleurs dans la salle à manger, le salon, partout. Dans la salle d’étude, il y a aussi un aquarium. La vue de toutes ces belles choses égaie les enfans, leur élève l’âme et contribue à les rendre meilleurs.