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sépultures d’Ahura et de Merhu se trouvent en un coin du territoire sud du lieu appelé Pe-he-Mato. » Le prince dit au vieillard : « Fais fouiller le Pe-he-Mato. — Qu’on me donne une garantie, répliqua le vieillard, afin qu’on ne me fasse aucun mal, si l’on ne trouve pas là les sépultures de Ahura et de Merhu, son fils. » On perça l’endroit du Pe-he-Mato, et on trouva les sépultures. Setna fit reconstruire les lieux comme ils étaient auparavant. Ptahneferka se fit reconnaître à Setna pour celui qui avait retrouvé les sépultures de Ahura et de Merhu, son fils. Le prince descendit au port, il s’embarqua, parvint à Memphis, et le roi s’avança pour le recevoir.


Notre étude des contes et romans nationaux de l’ancienne Égypte, conservés sur des papyrus authentiques des musées de Londres, de Boulaq et de Turin, est terminée. De nouvelles découvertes augmenteront encore sans nul doute ce chapitre de littérature antique. Nous n’avons rien dit du conte fameux de Rhampsinite : outre qu’il se trouve dans un texte grec classique, M. Gaston Paris ne le croit pas d’origine égyptienne. Les vignettes du XVIIe chapitre de certains exemplaires du Livre des morts, où le défunt est assis devant un damier, peuvent en quelque sorte servir d’illustrations, M. Birch l’a montré, à la légende très vraisemblablement égyptienne de la descente aux enfers de ce pharaon et de son jeu avec Isis. Ces contes, ces légendes, ces romans de mœurs nationales, peuvent être diversement appréciés quant à leur valeur esthétique. Des considérations de ce genre, qui seules avaient le don d’intéresser l’ancienne critique, nous touchent très peu aujourd’hui : nous n’instituerons aucun parallèle littéraire entre le scribe Enna et le bon La Fontaine. Ce qui nous attire vers de telles œuvres, naïves et spontanées à l’origine comme tout ce qui sort du sein de la nature, c’est qu’elles sont d’inappréciables documens historiques. Dans ces vieux mythes divins transformés en contes et en légendes par l’imagination populaire, dans l’évolution séculaire des sentimens et des idées d’une race, dans le développement des croyances, des mœurs et de la vie nationale, la mythologie, la psychologie et l’archéologie comparées recueillent une multitude de faits et d’observations authentiques, germes féconds d’un prodigieux passé, qui, doucement sollicités par quelque génie sympathique, se reprendront un jour à s’agiter confusément, à palpiter, à ressusciter dans la conscience humaine, et feront passer dans nos âmes quelque chose de l’âme de la vieille Égypte.


JULES SOURY.