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avons dit le début, et dont le modeste contenu gagnera plus tard la caisse d’épargne.

Au second étage, les dortoirs avec leurs lits de fer superposés se profilent sur plusieurs rangs comme les cabines d’un navire, mais avec une aération dont celles-ci ne jouissent pas. La propreté règne partout, une propreté méticuleuse, étudiée. Le parquet reluit, la maison est irréprochablement tenue. Chaque boy a son lit tout monté, tout fourni, et couche seul. On lui donne sur sa demande un petit coffre fermant à clé pour remiser ses effets, s’il en a de rechange, et le matériel de sa petite industrie ; à côté du dortoir, le cabinet de toilette, où monte l’eau chaude et l’eau froide : là des cuvettes, des peignes, des brosses, du savon, une salle de bains. Citons maintenant le réfectoire où mangent les enfans, et la salle de gymnastique où ils s’en donnent à cœur joie sur la corde lisse ou à nœuds, le trapèze, les échelles, les anneaux, ou avec les lourdes altères qu’on porte à bras tendu. La lingerie, les cuisines, sont vastes comme celles d’un hôtel, et à la buanderie on lave le linge à la mécanique, et on le fait sécher à la vapeur par ces mille moyens ingénieux qu’on retrouve aujourd’hui en Amérique dans toutes les maisons un peu confortables. Le linge des enfans est lavé pour rien. L’édifice est éclairé au gaz et chauffé par un de ces calorifères à circulation d’eau chaude particuliers aux États-Unis et qui sont si hygiéniques. Les appareils à vapeur, la chaudière et la machine, sont installés, sous la surveillance d’un homme spécial, dans le sous-sol, où est aussi la cave au charbon et aux provisions. Des filles alertes, des Irlandaises proprettes, les bras nus, font les lits, servent à table, lavent et repassent le linge, et une vénérable matrone, la femme du directeur de l’établissement, les surveille et les dirige. Différens maîtres sont attachés à l’école, où la lecture, l’écriture, le calcul, un peu d’histoire et de géographie, la musique, le chant, sont enseignés aux enfans. Ceux-ci paient une somme modique pour les repas et le coucher, six cents pour le lit, autant par chaque repas, souper ou déjeuner. Ces prix ne remboursent qu’une partie des frais. La maison est ouverte le soir jusqu’à dix heures ; le matin, tout le monde est dehors, au lever du soleil, après le premier déjeuner. On fait crédit à ceux qui ne peuvent payer la table ou le gîte. On ne leur en demande jamais le dû, mais il est à remarquer que les enfans mettent beaucoup d’amour-propre à se libérer dès qu’ils le peuvent, et n’entendent pas qu’on leur fasse la charité. Quelquefois ils viennent même en aide à des camarades encore plus malheureux qu’eux, et l’on en a vu organiser pour cela de petites souscriptions et s’inscrire généreusement en tête.