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Liban députa vers le cèdre du Liban pour lui dire : « Donne ta fille à mon fils pour femme ! » Alors passèrent les bêtes sauvages du Liban, et elles écrasèrent l’épine. » Mais l’apologue hébreu le plus célèbre, et le plus digne de l’être, est celui de Jôtam (Jud., IX, 8-15) : « Les arbres se réunirent pour oindre un roi qui régnât sur eux. Et ils dirent à l’olivier : « Règne sur nous ! » Et l’olivier leur dit : « Renoncerais-je à mon huile qui m’attire l’estime des dieux et des hommes pour aller me balancer au-dessus des arbres ? » Alors les arbres dirent au figuier : « Eh bien ! toi, règne sur nous ! » Et le figuier leur dit : « Renoncerais-je à ma douceur et à mon fruit exquis pour aller me balancer au-dessus des arbres ? » Alors les arbres dirent à la vigne : « Eh bien ! toi, règne sur nous ! « La vigne leur dit : « Renoncerais-je à ma liqueur qui réjouit les dieux et les hommes pour aller me balancer au-dessus des arbres ? » Alors tous les arbres dirent au buisson d’épines : « Eh bien ! toi, règne sur nous ! » Et le buisson d’épines dit aux arbres : « Si en vérité vous voulez m’oindre pour m’établir roi sur vous, venez et abritez-vous sous mon ombrage ; sinon du buisson d’épines sortira un feu qui dévorera les cèdres du Liban. »

L’histoire de Joseph est dans toutes les mémoires ; nous ne la rappellerons pas. Les religions issues du judaïsme, le christianisme et l’islamisme, ont répandu presque sur toute la terre le nom et les aventures du héros hébreu. Dès l’enfance, on la sait par cœur ; cela dispense d’y songer plus tard. Cette histoire n’est-elle pas dans la Bible ? Or la Bible est un livre ecclésiastique. Clercs et laïques ne la lisaient guère au moyen âge ; on ne la lit pas davantage aujourd’hui dans les pays catholiques. Eh bien ! quelque sentiment qu’on professe à l’endroit de ce livre, on se prive en le négligeant d’une des sources les plus abondantes de félicité spirituelle. Ne parlons pas des croyans : ils ont déjà reçu leur récompense ; mais le plaisir, un plaisir sérieux et élevé, serait-il moins vif pour les autres ? Qui ne compte au nombre de ses plus heureux momens les heures consacrées à la lecture d’Hérodote ? La littérature historique des Hébreux, pour ne point parler de leur poésie, tient en réserve bien plus de surprises et de merveilles ! Depuis que la langue et les monumens de l’Égypte, de l’Assyrie et de la Phénicie nous ont livré une partie de leurs mystères, les études bibliques ont été transformées. Les plus grands esprits, un Esra, un Philon, un Jérôme, un Luther, n’ont pu avoir aucune idée exacte des antiquités hébraïques. Sur les bords du Jourdain comme sur les rives du Nil et de l’Euphrate, des peuples et des civilisations inconnus sont sortis de la poudre des vieux âges, évoqués par la science des philologues et des historiens de notre siècle.

Combien l’histoire de Joseph a plus d’attrait lorsqu’on l’éclaire