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passés entre moi et la princesse. » On lui amena sa femme ; il plaida contre elle devant ces juges, et l’on fit exécuter leur sentence. Vingt ans Bataou fut roi d’Égypte. Anepû, son frère aîné, lui succéda le jour des funérailles.

Qu’est-ce que Bataou, le héros de ce conte, dont l’oxyrrhynque dévore la dépouille sanglante, et qui renaît sous la forme du taureau Apis ? Tout le monde a reconnu Osiris. Au temps du nouvel empire égyptien, on racontait que les restes du dieu jetés à la mer dans un coffre et portés mollement par les vagues au rivage de la sainte Byblos, sur une bruyère en fleurs, avaient bientôt été enveloppés et dérobés aux yeux par une végétation luxuriante. Le roi du pays, admirant la poussée merveilleuse d’un tamaris, en coupa le tronc, qui contenait le coffre d’Osiris, et en fit une colonne pour soutenir le toit de son palais. Isis le sut, vint à la ville des mystères, et, assise près d’une fontaine, elle pleurait son frère et son époux. La nuit, devenue hirondelle, elle voltigeait avec des cris plaintifs autour du pilier de bois. Elle apparut enfin déesse, enleva cette colonne où gisait le bon Osiris, et gémit amoureusement sur le coffre funèbre. Les Égyptiens de la XVIIIe dynastie invoquaient l’âme sainte d’Osiris, qui réside dans l’arbre Nâr. Sur un bas-relief sculpté sous un des rois de la XXIIe dynastie, on voit l’arbuste au pied duquel le flot poussa le coffre d’Osiris : c’est « l’arbuste du coffre, » disent les hiéroglyphes ; le coffre lui-même porte cette inscription : « arrivée d’Osiris. »

Toutefois on ne saurait douter que les légendes d’autres jeunes dieux solaires ne fussent venues d’Asie, — de la Syrie, de la Phénicie et de l’Asie-Mineure, — vers l’époque de la XVIIIe et de la XIXe dynastie, se mêler au mythe d’Osiris, quand les Thoutmès et les Ramsès firent la conquête du monde, que les guerres et le commerce produisirent une pénétration réciproque du génie égyptien et du génie asiatique, que les idées et la langue des Araméens envahirent toute la vallée du Nil. Selon la remarque de M. Maspero, les raffinés de Thèbes et de Memphis trouvaient alors autant de plaisir à sémitiser que nos élégans à semer la langue française de mots anglais mal prononcés. Les dieux et les déesses de ces Asiatiques, dont les pères avaient régné cinq siècles dans la Basse-Égypte, Soutech, Baal, Reshpou, Bes, Anata, Kedesch, Astart, entrèrent au panthéon des fils.de Mitsraïm. Astarté eut un sanctuaire à Memphis comme à Sidon. Ramsès II, le Sésostris des Grecs, lui fit construire un temple en sa ville éponyme de Ramsès, à Tanis. De leur côté, les nations de l’Asie antérieure adoptèrent entre autres le culte d’Osiris : dans le dieu le plus populaire des bords du Nil, qui meurt et ressuscite éternellement sous les larmes et les baisers des