Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/795

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et greffier des archives publiques, mirent entre ses mains le trésor de la commune et lui conseillèrent les mesures capables de remplir à son profit les caisses de l’état. De nouveaux impôts, arbitrairement fixés, pesèrent sur les Florentins. Malgré ces impôts, le mont ne put toujours servir intégralement les intérêts de la dette nationale ; il n’en paya plusieurs fois que la moitié et même le cinquième. Le mécontentement était d’autant plus grand à Florence qu’on n’ignorait pas-les malversations de Laurent. Ce fut bien pis encore quand il osa toucher au Monte delle fanciulle, établissement très populaire où les grands et petits déposaient, sous le nom de leurs filles, des fonds qui au bout d’un temps déterminé constituaient une dot. En 1485, le Monte delle fanciulle ne paya qu’un cinquième des dots ; le reste devait être inscrit sur un registre spécial et rapporter 7 pour 100, taux qui, six ans plus tard, fut abaissé à 3 pour 100. Cette espèce de banqueroute diminua beaucoup le nombre des mariages. Il semble que tant d’exactions auraient dû relever complètement la fortune de Laurent. Il n’en fut rien. Les banques de Lyon et de Bruges furent obligées de prendre des arrangemens avec leurs créanciers. Lorsqu’en 1494, pendant le passage de Charles VIII à Florence, le seigneur de Balassat donna le signal du pillage dans le palais des Médicis, il déclara que les richesses de ce palais le dédommageraient enfin des pertes que lui avait imposées la banque de Lyon ; mais la victime la plus notable de cette banque fut Philippe de Commines. En dépit de ses instances, il ne reçut qu’un maigre appoint sur ce qu’il avait le droit d’exiger. Rien de plus instructif que la correspondance échangée entre le débiteur et le créancier : Laurent proteste de son dévoûment et de sa reconnaissance, il offre en paroles tous ses biens à l’ambassadeur français. « L’amitié de votre excellence, ajoute-t-il, est plus précieuse à mes yeux que n’importe quelle somme d’argent. » Voyant qu’il ne pouvait rien ou presque rien obtenir, Commines, qui tenait à conserver la faveur du chef de la républiques florentine, se résigna et cessa d’importuner son correspondant besoigneux. Cinq ans après la mort de Laurent, il n’était pas encore remboursé intégralement, et il eût acquis, en échange de sa créance, une partie de la riche bibliothèque des Médicis, si le patriotisme de Savonarole n’eût conservé à Florence cette incomparable collection.

En somme, quel fut le rôle de Laurent ? A l’intérieur, il supprimât complètement les libertés des Florentins, tout en ayant l’air de les respecter, et il parvint à exercer un pouvoir complètement absolu. Sa volonté devint la volonté de tous ceux qui occupaient les charges de la république. L’ambition lui attacha les plus nobles familles, aussi bien que les hommes qui lui devaient leur élévations Par le conseil des soixante-dix, il disposa de tous les emplois ; par le conseil des finances, le trésor public fut à sa discrétion. Aucun