Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/792

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la faveur de peindre à Rome, dans l’église de la Minerve, la glorification de saint Thomas. Pour son protecteur, il eut à représenter un sacrifice sous le portique de la villa de Poggio a Cajano. Vasari ne mentionne aucune autre œuvre sollicitée de Filippino par Laurent. Il ne nous reste que deux noms à rappeler : celui d’Alesso Baldovinetti et celui de Domenico Ghirlandajo. Parmi les personnages contemporains que Baldovinetti avait groupés dans sa fresque, aujourd’hui anéantie, du chœur de Santa-Trinità, il avait introduit Laurent et Julien de Médicis. Quant à Ghirlandajo, il reproduisit aussi les traits de Laurent dans la même église lorsqu’il peignit, à la prière de Francesco Sassetti, saint François faisant approuver sa règle par Honorius. Plusieurs tableaux de sa main furent, dit-on, destinés au petit-fils de Côme ; mais c’est à la prière de Jean Tornabuoni, proche parent des Médicis, que Ghirlandajo exécuta les fresques du chœur de Santa-Maria-Novella, une de ses œuvres les plus importantes. Il y associa aux personnages de l’Évangile plusieurs des hommes qui appartenaient au cercle intime de Laurent, entre autres Marsile Ficin, Landino, Gentile Becchi et Politien, sans parler d’autres personnages dont les figures, pour ainsi dire vivantes, nous montrent les physionomies et les élégans costumes du XVe siècle.

Tels sont les principaux peintres florentins auxquels Laurent accorda sa bienveillance. Quant à Lorenzo di Credi, l’auteur de cette Adoration des Mages qui est un des ornemens de l’Académie des Beaux-Arts, et quant à Léonard de Vinci, ils demeurèrent toujours à l’écart, quoique tous deux élèves de Verrocchio. Léonard n’alla pourtant s’établir auprès de Louis le More qu’en 1483, et à cette époque il avait déjà peint la fameuse rondache, un des anges dans le Baptême du Christ de Verrocchio, la Tête de Méduse, d’autres ouvrages encore, parmi lesquels peut-être la Vierge aux Sochers) du Louvre. Aucun document ne signale non plus le moindre travail de Pérugin pour le chef de la maison des Médicis, et cependant le peintre ombrien séjourna à Florence de 1482 à 1491.

Ce qui nous frappe dans les renseignemens que nous a transmis Vasari, c’est le choix des sujets imposés, aux artistes par leur protecteur. Il n’est guère question que de sujets mythologiques. La passion de l’antiquité semble dominer presque exclusivement l’esprit de Laurent. On ne voit pas que Laurent ait demandé aux peintres de son temps la décoration de quelque chapelle, ni qu’il ait le mérite d’avoir fait exécuter quelqu’une de ces œuvres divinement inspirées, gloire principale de l’école florentine, à moins que l’Adoration des Mages de Botticelli n’ait été peinte par son ordre[1].

  1. Dans ce tableau, qui de Santa-Maria-Novella a passé aux Offices, les trois adorateurs de l’enfant Jésus ne sont autres que Côme, Jean son fils et Julien son petit-fils.