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Pic avec l’autorité spirituelle ne tardèrent pas à entrer dans une phase tout à fait critique. Un bref condamnant les thèses regardées comme contraires à l’orthodoxie fut préparé le 5 août 1486. Il ne fut pas publié parce que Pic déclara se soumettre. Cependant une apologie des points réprouvés parut à Naples, apologie dédiée par Pic à Laurent, et portant la date du 31 mai. Malgré cette date, la cour romaine vit dans le nouvel écrit un acte de rébellion, et le 15 décembre lança le bref de condamnation. Pic eut beau soutenir que l’apologie avait été imprimée avant le 5 août et qu’il n’y avait pas eu antidate, on ne le crut point. Cité devant le pape et menacé d’arrestation, le comte quitta momentanément l’Italie, puis revint à Florence, où il fut en sûreté auprès de Laurent. C’est grâce à Laurent que l’excommunication ne fut pas prononcée. Ses lettres à l’ambassadeur Lanfredini témoignent d’une active intervention et de négociations poursuivies avec persévérance pour obtenir en faveur de Pic une absolution complète. « Pic, écrivait-il, vit retiré comme un moine, s’occupant de théologie, commentant les psaumes, lisant le bréviaire, observant les jeûnes. Son train de maison est le plus simple du monde et sa vie absolument exemplaire. Il souhaiterait être justifié et recevoir un bref qui reconnût en lui un fils fidèle et un bon chrétien. J’y tiendrais beaucoup aussi, car j’aime et j’estime peu d’hommes autant que lui. Selon moi, c’est un vrai chrétien. Il se conduit de telle sorte que toute la ville se porterait caution pour lui (19 juin 1489)[1]. » Quoique Laurent eût beaucoup d’influence sur Innocent VIII, quoiqu’il ne se lassât pas dans ses sollicitations, il échoua contre les intrigues de ceux qu’il appelait des envieux et des ignorans. Le bref désiré ne parut que le 18 juin 1493 sous Alexandre VI. En attendant, Pic se consola par l’étude, par l’amour des livres, par l’amitié des savans, soit à Florence, soit à l’abbaye de Fiesole ou sous les ombrages de Querceto. C’est là qu’il composa son livre contre l’astrologie, livre qui devait faire partie d’un grand ouvrage sur les sectes hostiles au christianisme et qui mérita les suffrages de Savonarole.

Pic de la Mirandole, Landino, Ficin, Politien et Pulci sont les hommes les plus distingués de la société littéraire patronnée à Florence par Laurent le Magnifique. Bien d’autres cependant mériteraient d’être nommés. Les étrangers eux-mêmes étaient accueillis à bras ouverts dans le palais des Médicis. Avec tous les lettrés de l’Italie, Laurent entretenait une active correspondance, examinant avec une extrême sollicitude les diverses questions qui s’agitaient entre les savans. Dès le début de son règne, il donna une nouvelle

  1. Voyez, entre autres lettres, celle d’octobre 1489, citée par M. de Reumont, t. II, p. 114-115.