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la bienveillance méritée par ses propres services, et, comme les libéralités ne venaient pas assez vite, comme Franceschetto prétendait que « son oncle ressemblait au bœuf qui a besoin de l’aiguillon, » il n’hésita pas à rappeler à Innocent VIII la fragilité d’une existence frappée déjà par plusieurs attaques. « Votre sainteté occupe la chaire de saint Pierre depuis cinq ans, lui écrivait-il, et le seigneur Franceschetto est toujours pauvre. Cependant l’histoire atteste que peu de papes ont régné plus de cinq ans, et que beaucoup d’entre eux n’ont pas attendu si longtemps pour prouver leur puissance. »

Dans la pensée de Laurent, le mariage de Maddalena avec le neveu du pape devait faciliter à Jean, son second fils, l’acquisition du chapeau de cardinal. Cette dignité, comme toutes les moindres dignités de l’église, était surtout aux yeux du chef de la république florentine un instrument de puissance mondaine ; mais avant de rechercher la pourpre pour son fils il avait songé à enrichir celui-ci. Jean n’avait que sept ans lorsque Sixte IV le déclara apte à recevoir des bénéfices. Louis XI lui donna l’abbaye de Font-Doulce. D’Innocent VIII, Laurent obtint pour Jean l’abbaye de La Vallombreuse, de Ferdinand celle du Mont-Cassin, de Louis le More celle de Miramondo. Sa principale préoccupation pour ce même fils devint ensuite l’accès du sacré collège. On eût dit qu’aucune affaire n’importait davantage à l’état. « Employez toute votre influence, écrivait-il à Lanfredini, l’ambassadeur de Florence à Rome, afin que cette promotion bénie ait lieu le plus tôt possible. » Le pape se montrant irrésolu, il lui adressa les mots suivans, sous lesquels se cachait une impatience croissante : « Je ne crois pas que votre sainteté puisse faire pendant tout son pontificat quelque chose qui excite davantage la reconnaissance de la ville. Par contre, Florence éprouverait un sentiment fort pénible, si son espérance était trompée. »

Florence avait-elle bien le désir qu’un enfant de treize ans siégeât parmi les cardinaux ? Innocent VIII en doutait peut-être. Ce dont il ne doutait pas, c’était l’ardente convoitise qu’il hésitait à satisfaire. Plusieurs cardinaux, entre autres Ascanio Sforza, furent mis en campagne par le solliciteur, et 70,000 florins d’or distribués en secret. Enfin, le 9 mars 1489, Jean de Médicis fut nommé membre du sacré-collège ; mais la décision du pape devait rester secrète pendant trois ans. On eût dit qu’Innocent VIII en rougissait. Aussi le souverain pontife menaça-t-il d’excommunication quiconque divulguerait la nomination de Jean, ce qui n’empêcha pas la nouvelle de se répandre sur-le-champ. Quant à Laurent, il éprouva une joie d’autant plus grande qu’il avait eu à triompher de difficultés en apparence insurmontables. Il eût voulu remercier de