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fautes au moins en partie, grâce à son audace, grâce à ses qualités de diplomate, que M. de Reumont fait parfaitement ressortir.

La sage conduite du petit-fils de Côme pendant la guerre dirigée contre Ferrare par Venise et par Sixte IV est aussi exposée avec netteté dans l’ouvrage du savant historien, quoique le récit des opérations militaires ne laisse pas d’être trop long. Laurent, dans ces circonstances, mérita bien de sa patrie. Il importait à Florence que les Vénitiens ne se rapprochassent pas trop d’elle et que leur voisinage ne devînt pas une menace permanente. Fidèle à ses engagemens, le chef de la république florentine demeura l’allié du roi de Naples et appuya Hercule d’Esté, gendre de Ferdinand. Ses conseils épargnèrent à Ferrare une ruine complète et rendirent momentanément la paix à l’Italie.

Sous le pontificat d’Innocent VIII, successeur de Sixte IV, la prudence et l’habileté de Laurent apparurent encore avec plus d’éclat. Décidé à ne pas rompre l’alliance qui l’unissait au roi de Naples, il se trouva dans une situation fort embarrassante au milieu des conflits qui se succédèrent entre Innocent VIII et Ferdinand. Les deux partis le sollicitèrent en même temps, et il sut conserver avec chacun des relations amicales, négociant sans relâche pour amener un arrangement, pour maintenir l’équilibre des forces entre les puissances italiennes, pour empêcher le souverain pontife d’appeler dans la péninsule les Espagnols et les Français. Ses instructions à l’ambassadeur florentin offrent le plus haut intérêt et honorent celui qui les écrivit. Rien mieux que ces instructions ne permet de juger Laurent. C’est avec une rare pénétration que le chef de la république apprécie l’inconsistance d’Innocent VIII, la déloyauté de Ferdinand, la versatilité et l’ambition sans scrupule de Louis le More. Ses tentatives réitérées de conciliation méritaient d’aboutir et aboutirent en effet à un accommodement. La gratitude générale accrut son influence en Italie tout en fortifiant son autorité à Florence même.

Il avait d’ailleurs acquis des droits à la reconnaissance de ses concitoyens par l’activité qu’il mit à revendiquer les possessions que la république avait perdues dans la guerre contre Sixte IV et Ferdinand. Que de peines il se donna pour recouvrer l’importante place de Sarzana, dont les Génois s’étaient emparés en 1479 malgré la signature d’un armistice ! Avec quel à-propos il exploita les révolutions périodiques de Sienne pour se faire rendre par les Siennois le territoire qu’il avait été forcé de leur céder ! Quelle dignité, quelle noble fierté de langage lorsqu’il repoussa l’ingérence de Louis le More dans les affaires de Florence ! Attentif à tout ce qui pouvait augmenter la sécurité de sa patrie, il chercha à faire