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l’auteur traite des artistes du XVe siècle, le rôle de Laurent à leur égard fût défini avec plus de netteté. M. de Reumont est très modéré, trop modéré même dans ses jugemens ; souvent il semble craindre d’émettre une opinion personnelle. Pourquoi par exemple, à propos des dilapidations de Laurent, se borne-t-il à rapporter les argumens des historiens qui les stigmatisent et de ceux qui les excusent ? Pourquoi ne pas flétrir une corruption notoire, tout en tenant compte du temps et des circonstances ? Ces réserves une fois faites, il n’est que juste d’applaudir aux efforts accomplis par M. de Reumont pour restituer jusque dans ses moindres traits une des plus grandes figures que présente le XVe siècle en Italie. Grâce aux investigations du savant historien, grâce aux renseignemens qu’il fournit sur la vie publique et privée des Médicis, sur leurs amis, sur la société florentine, sur les maisons de banque de Laurent ainsi que sur les finances de la république, on peut pénétrer au cœur de cette féconde époque et suivre pas à pas celui qui en fut la personnification la plus éclatante.

En nous aidant du travail publié par M. de Reumont, nous voudrions à notre tour apprécier le caractère de Laurent et mesurer l’influence exercée par ce personnage sur la civilisation de son pays et de son temps. Comment a-t-il gouverné Florence ? Quelle a été sa politique à l’égard des divers états dont se composait alors l’Italie ? Quels droits a-t-il, dans la renaissance des lettres et des arts, à la gratitude de la postérité ? Telles sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre.


I

L’autorité que les Médicis s’étaient transmise depuis Jean d’Averardo jusqu’à Laurent était fondée sur la prépondérance du parti qui avait renversé les Albizzi. Cette autorité était devenue de plus en plus personnelle. Côme l’Ancien et son fils Pierre l’avaient notablement accrue par des mesures qui concentraient le gouvernement entre leurs mains, et il convient d’ajouter par d’éminens services rendus à la chose publique. Laurent ne succéda pas à Pierre en vertu d’un droit héréditaire ; il ne pouvait occuper la place de son père que s’il y était appelé par le vœu des citoyens les plus considérables de la faction dominante. À cette faction il fallait un chef, un représentant. Or Laurent de Médicis portait un nom devant lequel on avait déjà coutume de s’incliner ; en plusieurs occasions, il avait donné des preuves d’une rare perspicacité politique et d’une véritable passion pour la poésie, pour les arts, pour les plus nobles manifestations du génie humain ; enfin il n’avait que vingt