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sérieuse, animée, quelquefois presque émouvante, d’autres fois amère jusqu’à la violence. En définitive, ce débat, d’où dépend l’organisation du pays, a du moins le mérite d’éclaircir un peu les choses, de mettre en présence tous les partis, toutes les fractions de partis qui depuis un an s’épuisent en combinaisons et se débattent autour de ce malheureux problème constitutionnel. Pour tout dire, il y a ceux qui ne veulent rien faire et qui l’avouent tout haut : ce sont les légitimistes, les bonapartistes, qui trouvent que toutes les institutions sont inutiles, qu’il ne peut y avoir rien de mieux qu’un provisoire toujours ouvert à la monarchie traditionnelle ou à l’empire. Il y a ceux qui ont mis leur dernier mot dans ce projet subtil et évasif de M. de Ventavon, qui ne refusent pas absolument les lois constitutionnelles, mais pour qui l’idéal est tout simplement l’organisation temporaire du pouvoir personnel de M. le maréchal de Mac-Mahon. Il y a enfin ceux qui croient que la sécurité d’un pays ne peut naître que d’institutions fixes et définies, qui par raison, par résignation ou par conviction, acceptent là république en l’entourant de sérieuses garanties, et qui, en respectant d’ailleurs parfaitement la présidence septennale conférée à M. le maréchal de Mac-Mahon, n’ont d’autre prétention que de la compléter, de lui donner le caractère d’un pouvoir régulièrement organisé. C’est entre ces divers systèmes qu’est engagée la lutte qui dure encore et dont le dénoûment prochain, inévitable, on peut le dire plus que jamais aujourd’hui, doit être l’organisation constitutionnelle de la France ou la dissolution de l’assemblée dans un aveu définitif d’impuissance. Il faut désormais choisir.

Certes on peut avoir toutes les opinions et on a le droit de les soutenir, même contre toute espérance de succès, à la condition cependant qu’elles commencent par respecter le pays dans ses intérêts, dans son repos, dans ses sentimens les plus intimes. Que des légitimistes, comme M. de Carayon-Latour, M. Lucien Brun et leurs amis de l’extrême droite, restent fidèles à la monarchie traditionnelle, à M. le comte de Chambord, ils sont libres, ils ont brûlé l’autre jour leur poudre contre la république, contre les lois constitutionnelles. M. de Carayon-Latour, qui a été un brillant soldat de la défense pendant la guerre, est monté sur la brèche pour entreprendre de nous ramener à 1788. C’est convenu, l’histoire de la France s’est arrêtée à cette date. Jusqu’à 1788, tout a été splendeur ; depuis ce moment, tout s’en va, tout est en perdition, en conséquence nous n’aurions rien de mieux à faire, si nous étions sages, que de supplier le roi, le vrai, le seul roi, de renouer pour nous la chaîne des temps. C’est fort bien. Si la restauration de la monarchie dans ces conditions est si facile, que ne la propose-t-on, au lieu de se borner à faire des discours et d’accuser M. Thiers ? On ne propose rien parce qu’on sent que ce serait aller au-devant d’un échec, qu’il y a tout simplement une impossibilité complète. La monarchie impossible !