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partis sont trop divisés, il n’y a pas de majorité ! Ils ne voient pas qu’ils ont créé eux-mêmes ces divisions et ces incohérences où ils se perdent, ces impossibilités devant lesquelles ils s’arrêtent et dont ils se plaignent. Ils ne s’aperçoivent pas que, s’ils ne peuvent rien, c’est qu’ils l’ont bien voulu, c’est qu’ils n’ont cessé jusqu’ici de faire de la politique avec des antipathies ou des subtilités, au risque de laisser une place au plus redoutable imprévu dans les affaires de la France. Est-ce que ce n’est point là encore ce qui se passe au sujet de ces malheureuses lois constitutionnelles, qui sont comme la dernière épreuve de la bonne volonté des partis, et qui auront vraiment de la chance, si elles sortent plus ou moins intactes des débats confus engagés en ce moment à Versailles ?

Assurément, nous ne disons pas le contraire, il y avait de sérieuses difficultés. Ce n’était pas une petite affaire de dégager une majorité constitutionnelle du sein d’une assemblée où s’agitent des partis qui ont leurs engagemens, leurs espérances, leurs passions ou même leur dignité ; mais en fin de compte ce n’était point impossible, à la condition de ne pas perdre de temps, d’agir résolument, sans tergiversations, sans trop regimber contre la nécessité et en sachant accepter ce qui était, ce qu’on ne pouvait changer. A vrai dire, la première faute a été de ne point saisir l’occasion la plus favorable, la plus décisive au 20 novembre 1873, le jour même où était votée la présidence septennale, et tout ce qui s’est passé depuis a certainement donné raison à ceux qui voulaient lier la prorogation des pouvoirs de M. le maréchal de Mac-Mahon aux lois constitutionnelles. Si on eût procédé ainsi sous l’impression du récent échec des tentatives monarchiques, les résistances eussent été moins invincibles, on eût vraisemblablement réussi. Le vote même des lois constitutionnelles eût créé dès ce moment le terrain de modération où auraient pu se rencontrer tous ceux qui mettent l’intérêt du pays au-dessus de leurs préférences. Les combinaisons parlementaires eussent été différentes ; les évolutions des partis se seraient accomplies, non plus dans un vague favorable à toutes les agitations comme à toutes les espérances, mais dans le cadre d’une situation définie et fixée par des institutions précises. La question est restée ouverte, on l’a voulu ainsi, sans doute par un esprit de ménagement exagéré, pour ne pas trop brusquer les choses d’un seul coup. Qu’en est-il résulté ? Les légitimistes, un moment déconcertés au 20 novembre 1873, ont bientôt repris courage et ils n’ont plus eu dès lors qu’une pensée, celle d’annuler le vote de la prorogation par leurs réserves, par la hardiesse de leurs interprétations et de leurs contestations. Ils ont prétendu faire croire qu’en leur demandant leur vote pour M. le président de la république on leur avait laissé l’espoir qu’ils nommaient tout simplement un lieutenant de M. le comte de Chambord ! Les bonapartistes à leur tour sont