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de légistes, qui, réunie au commencement de 1870, passa en revue chacun des points qui avaient été étudiés au Caire, adopta la plupart des propositions, en modifia quelques-unes, mais repoussa absolument l’extension de la réforme aux matières pénales. Il lui parut imprudent de confier à un tribunal non encore éprouvé le jugement des affaires qui intéressaient la liberté et l’honneur de nos nationaux. Les autres cabinets exprimèrent le même avis, et le gouvernement égyptien dut renoncer à cette partie de la réforme. Finalement le représentant du khédive, Nubar-Pacha, s’entendit avec la France et avec les divers états pour la rédaction d’un projet qui réalisait, dans la mesure convenable et prudente, la constitution d’un régime judiciaire en Égypte. C’était le projet français, et il méritait bien ce nom, car, ainsi qu’on a pu en juger par le récit de ces négociations, c’était la France qui avait pris la plus grande part aux études préparatoires ; c’était elle qui, tout en témoignant de son bon vouloir pour les intentions éclairées du khédive, avait fait écarter ou modérer les innovations trop promptes, et qui avait le plus contribué à rendre la réforme possible et pratique en la dégageant de ce qu’elle contenait de trop hasardeux.

Survint la guerre de 1870. Quand une grande nation est frappée, le vide se fait autour d’elle, nous ne le savons que trop, et elle éprouve, même dans les questions qui paraissent être d’intérêt secondaire, la diminution de son prestige. Le gouvernement français vit donc avec plus de regret que de surprise le ministre du khédive essayer de substituer au projet français le plan de réforme qui avait été approuvé par la commission internationale du Caire. Des démarches étaient faites dans ce sens à Constantinople et auprès des autres cabinets ; peut-être auraient-elles abouti, si, dans le courant de 1872, notre gouvernement, qui avait cependant par ailleurs tant de graves soucis, ne s’était interposé en temps utile. Invoquant l’avis de la commission du Caire, Nubar-Pacha désirait surtout investir les nouveaux tribunaux de la juridiction pénale, * qui avait été péremptoirement repoussée par la commission française de 1870 ; il consentait à ce que l’établissement de cette juridiction pour les crimes et délits ordinaires fût ajourné pendant un an, mais il le réclamait immédiatement pour les crimes et délits commis contre les magistrats ou officiers de justice dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions, ou pour ceux qui leur seraient imputés en leur qualité de magistrats. Afin de faire prévaloir ce retour aux propositions primitives en matière pénale, Nubar-Pacha demanda qu’une conférence fût ouverte à Constantinople entre les ambassadeurs des puissances, et, sur ce terrain nouveau, qu’il comptait devoir lui être favorable avec l’appui du gouvernement ottoman, il insista très énergiquement sur la nécessité de reconnaître comme un droit pour