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et en concédant aux intérêts européens de sûres garanties. Ce fut le point de départ des négociations ouvertes en 1867 sur la demande du gouvernement égyptien.


II

Il est essentiel de marquer exactement ce point de départ. L’enchaînement des faits qui viennent d’être rapportés prouve que, contrairement à l’opinion la plus répandue, l’Égypte avait le droit d’invoquer devant les puissances européennes le texte même des capitulations pour obtenir la révision d’un état de choses introduit irrégulièrement par la coutume. Toutefois il convient d’ajouter que, dans ses premiers projets, le gouvernement du khédive ne se contenta pas de solliciter le retour pur et simple à l’exécution des capitulations. Il avait jugé opportun de préparer un plan complet d’organisation judiciaire, d’après lequel des tribunaux égyptiens, composés de magistrats indigènes et de magistrats étrangers, devaient avoir juridiction, non-seulement en matière civile et commerciale pour les procès entre étrangers de nationalités différentes ou entre étrangers et indigènes, mais encore en matière pénale. La règle fondamentale des capitulations, qui attribue à chaque consul le droit de juger les procès n’intéressant que ses nationaux, était pleinement respectée : sur d’autres points, malgré le soin avec lequel on avait évité de porter atteinte au texte des anciens traités, le projet présentait des difficultés d’application et devait provoquer des objections sérieuses en reconnaissant d’une façon exclusive aux nouveaux tribunaux égyptiens une compétence que les capitulations avaient dans certains cas laissée indécise, et que l’usage avait déférée aux tribunaux consulaires.

Sans doute le khédive, s’autorisant des déclarations faites au congrès de Paris en 1856, était désireux de conquérir le droit de justice territoriale, et de procurera l’Égypte des institutions judiciaires calquées sur le modèle européen. Son ministre Nubar-Pacha, qui fut chargé d’entamer les négociations auprès des ambassadeurs à Constantinople et de les suivre auprès des divers cabinets, n’hésita donc pas à présenter les propositions les plus larges, tout en déclarant qu’il ne songeait point à porter atteinte au régime des capitulations. Il se montrait d’ailleurs disposé à stipuler toutes les garanties qui lui seraient demandées, même les garanties superflues, quant à la rédaction des codes, à la composition des tribunaux mixtes où les magistrats européens seraient en majorité, aux détails de la procédure et à l’exécution des jugemens. Il voulait obtenir en principe la création d’une justice nationale qui eût été le signe et la